Xavier MAUMÉJEAN
MNÉMOS
480pp - 25,00 €
Critique parue en janvier 2017 dans Bifrost n° 85
Publiés en 2002 et en 2003, les deux volumes de La Ligue des héros avaient été déjà réédités en 2009 sous le titre Kraven. Après un passage en poche, Mnémos continue à célébrer ses vingt ans en nous proposant une édition définitive – avec un format identique à ce que propose désormais Mnémos pour ses intégrales : jaquette, couverture cartonnée, beau papier. Outre les deux volumes de la série, nous retrouvons les articles écrits par des auteurs invités, les préfaces, les citations et les commentaires érudits, jusqu’à l’illustration de Manchu. Les lecteurs ont à leur disposition l’ensemble des textes qui permettent de prolonger à l’envi le jeu littéraire de La Ligue des héros. Cerise sur le gâteau, deux excellentes nouvelles, « Il était reveneure », et « Raven K. », n’ont pas été oubliées et complètent l’ensemble.
Le plat est copieux et particulièrement roboratif. Nul ne s’en plaindra. Disons-le tout de go, La Ligue des héros et sa suite constituent une date dans l’histoire du steampunk francophone, mais aussi une étape significative dans l’évolution de l’œuvre de Xavier Mauméjean.
Pour mémoire, plaçons le décor du premier tome. Tout d’abord en 1969, à Londres, un vieillard en apparence sénile est ramené par les services sociaux dans sa famille. L’homme dérange et il le sait. Il ne veut pas être là. Jusqu’à ce qu’il découvre la collection de pulps de son petit-fils et qu’un déclic se produise en lui. Ensuite en 1902, à Londres toujours, mais un Londres uchronique. La reine Victoria a établi des relations diplomatiques avec les habitants du Pays de Nulle Part, dont le Capitaine Crochet est un des officiels. Mais cela a eu bien des répercussions. Les fées, les enfants perdus, les pirates sont désormais sur Terre… et le terrible Peter Pan aussi ! Afin de protéger l’Empire, Baycroft, chef des Services Secrets, a décidé de réunir une troupe d’élite, La Ligue des Héros, Lord Kraven, English Bob, le Maître des Détectives ou encore Lord Africa ! Malheureusement leur force est rapidement détournée par les pouvoirs en place de leur noble but initial et grâce à eux, à cause d’eux, la dystopie pointe.
Sous la tutelle d’Alan Moore et de sa Ligue des gentlemen extraordinaire, Xavier Mauméjean convoque Verne et Wells, Sherlock Holmes, Alan Quatermain et Tarzan. Que l’on se comprenne bien : Mauméjean ne fait pas une bête variation sur le chef-d’œuvre de Moore. Il s’approprie le matériau d’une façon très personnelle et l’exploite avec une rigueur assez jouissive. Les scènes d’actions sont formidables, le travail sur la structure ambitieux (surtout dans le premier volume), la démarche franchement épatante. La juxtaposition des deux romans avec les nouvelles qui les continuent permet justement de mieux comprendre le projet et l’ampleur de sa réussite. Après, libre à vous de discuter pour savoir lequel des deux tomes est le meilleur, de pinailler sur les défauts croisés çà et là, mais vous ne pourrez nier avoir vécu une belle aventure littéraire.