Lou JAN
CRITIC
380pp - 18,00 €
Critique parue en octobre 2023 dans Bifrost n° 112
Deuxième roman de Lou Jan, La Machine à aimer s’inscrit dans une trilogie autour des thèmes que l’autrice estime être les ressources clés : le temps, sujet de son premier livre Sale temps (paru en 2015 chez Rivière Blanche) ; l’amour, ici développé ; le corps.
Lou Jan aimerait vivre au xxiie siècle et c’est l’époque à laquelle se déroule l’histoire. Nobod, une « hybride », c’est-à-dire un robot intelligent, par opposition aux « débiles » (sic), échappe grâce à un bug à un « génocide » cybernétique décidé par l’ONU après une alerte sur le comportement d’un de ses congénères. De là, l’humanité se dit subitement que, peut-être, il y a un risque avec ces centaines de millions de robots implantés dans toutes les strates des sociétés humaines, et à l’échelle globale. Et pfiou, ça dégage !
Nobod la fugitive va vivre moult péripéties entre l’Antarctique et la banlieue lyonnaise. L’occasion de décliner des thèmes comme le genre ou la sexualité, et bien sûr l’amour, par le biais de ce personnage créé pour aimer, qui ne peut rien faire d’autre… mais qui arrive quand même à se questionner sur le sujet.
La lecture de La Machine à aimer se fait rapidement (cela dit, le livre est court…). Le style de l’autrice est tranchant, à bases de phrases resserrées et de nombreuses formules pouvant faire office d’aphorismes. On adhérera ou non à ce procédé, qui s’avère en tout cas notable. Et donne matière à réflexion sur les différents types de relations qui tiraillent l’humanité.
Parmi les bonnes idées, il y a les personnages secondaires de la maison, qui en sont le mobilier et les appareils électroménagers. Leurs échanges, aspirations ou déconnexions sont amusants, et on aurait aimé les suivre plus longtemps.
Néanmoins, Lou Jan semble fascinée par les corps racisés, et ça en devient vite gênant. Les épithètes rivalisent de superlatif ou d’exotisme. Les relations sexuelles sont décrites avec ferveur et même gourmandise, mais paraissent bien vite expédiées – heureusement que dans l’histoire, tout le monde y trouve son compte, merci la fiction ! Un autre problème réside dans cette affaire de complot mondial qui débarque d’un coup dans le récit, et lui donne une tournure inattendue. On découvre alors la femme la plus puissante du monde, et l’intitulé de son poste laisse pantois !
Dans ce futur où « guerres, maladies et famines ont été éradiquées », mais qui fleure bon l’eugénisme quand même, Lou Jan propose une réflexion riche en formules chocs sur le thème de l’amour, où les aventures sont nombreuses mais pas forcément heureuses.