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Les critiques de Bifrost

La Maison des Epreuves

La Maison des Epreuves

Jason HRIVNAK
EDITIONS DE L'OGRE
200pp - 19,00 €

Bifrost n° 86

Critique parue en avril 2017 dans Bifrost n° 86

Les éditions de l’Ogre nous ont habitués à une production rare en nombre mais pas en qualité (cf. Les Machines infernales du docteur Hoffman, Lumikko et Saccage, critiqués dans nos précédentes livraisons, sans oublier Ravive, dans le présent numéro). En janvier, c’est donc La Maison des épreuves, premier roman du Canadien Jason Hrivnak qui est apparu dans nos librairies, court ouvrage se rattachant d’assez loin aux genres de l’Imaginaire.

Dans la longue introduction du livre – qui à elle seule possédait la matière d’un roman –, le narrateur a appris depuis peu le suicide de sa meilleure amie d’enfance, Fiona. L’occasion pour lui de se souvenir de leur jeunesse, parias à l’école, et de leurs jeux d’enfants, consacrés à la création d’un monde imaginaire pervers : « Telle était l’économie de base du Terrain d’essai : la torture en échange de ce que le cœur désirait. » Plus tard, à la suite d’un déménagement, Fiona et le narrateur perdent contact, et chacun suit son chemin, cahoteux, chaotique – ni l’un ni l’autre ne s’étant remis de cette amitié pernicieuse. Après la mort surprise de Fiona vient au narrateur le besoin d’écrire ce qui aurait pu la sauver : cette cathartique « Maison des épreuves ».

Celle-ci, qui forme le cœur du récit, consiste en trois sections : la première est un questionnaire à choix multiples, la deuxième pose des questions plus ouvertes appelant le lecteur à développer et à justifier, la dernière combine les modes des deux premières. Dans tous les cas, les mises en situation s’avèrent passablement dérangeantes, tour à tour faussement banales ou frôlant le fantastique. La quatrième de couverture cite La Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski, mais on pense plutôt à une version psychologisante des livres dont vous êtes le héros (voire à La Nuit je suis Buffy Summers de Chloé Delaume) sans pour autant reposer sur les mêmes mécanismes de décision, ou encore, de loin, à « Réponses à un questionnaire » de J.G. Ballard, bref texte où le récit prend forme au travers de cent réponses à autant de questions que le lecteur ne peut que deviner. Mais là où la nouvelle de Ballard tient de la pochade expérimentale, le roman de Hrivnak développe au travers des questions et de leurs possibles réponses un univers perturbant, qui interroge le lecteur et le pousse dans ses retranchements tandis que, en creux, se dessine la vie désaxée de Fiona et ses liens lointains avec le narrateur.

En somme, un premier roman froid, intense et vénéneux.

Erwann PERCHOC

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