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Les critiques de Bifrost

La Maison des veilleurs

La Maison des veilleurs

Patrick K. DEWDNEY
AU DIABLE VAUVERT
656pp - 24,00 €

Bifrost n° 115

Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115

Oyez ! Oyez ! Amatrices et amateurs de grandes sagas de fantasy, Syffe Sans-Terre est de retour pour de nouvelles aventures. (Pour les précédentes, on se reportera à nos critiques dans les Bifrost 91, 92 et 104.)

Mais soyez avertis : dans ce tome, jeunesse passant oblige, l’action laisse davantage place à la réflexion et aux temps de la vie quotidienne, rappelant en cela la lenteur de l’attente, l’érosion de la patience entre deux grandes batailles ; ces instants de calmes et de frustration entre les tempêtes, typiques de la vie des guerriers, qui sont ballottés par des choix qui ne sont pas les leurs.

Des batailles, il y a toutefois encore dans cet opus. Externes et politiques, d’une part :; la grande Histoire continue de se dérouler aux grands coups de tonnerre des armes, sur une toile de fond politique très densément tissée de complots, de traités militaires et marchands, et d’un mariage surprenant. Les différentes primautés de cet  univers peaufinent le dessin des détails d’un immense décor, à la construction toujours aussi riche et complexe, et dans lequel on ne se perd pourtant pas, grâce aux habiles rappels des péripéties précédentes.

Mais, d’autre part, les batailles se font plus internes, intimement liées au narrateur. Notre héros ne souhaite plus en être un, et s’étend souvent, en digressant (trop) parfois, sur son état d’esprit. Il cherche à se reconstruire, et surtout, se cherche un nouveau chemin, après avoir détruit en splendeur la voie royale qui lui était destinée dans Les Chiens et la charrue, l’opus précédent. Car si notre homme par sa « propre mélodie est venu fléchir le chant du monde », il lui reste à définir « quelle nouvelle musique est née de la courbure ».

Là où nous avions laissé Syffe, quelques questions se posaient sur l’avenir possible du continent, et sur une menace plus grande à venir, sur le rôle qu’aurait à jouer cet homme quasi détruit. Heureusement, notre survivant est bien entouré de sa coterie de fidèles vauriens, « une tribu, un clan un peu bancal et un peu féroce, avec ses désaccords et ses déceptions, mais aussi ses camaraderies puissantes ». Prêts à le suivre (littéralement) jusqu’au bout du monde, cette tribu éclectique apporte une exubérance et une vitalité bienvenues, qui nous entraînent de page en page, de missions dangereuses en missions impossibles… Car ne l’oublions pas : Syffe est en effet — encore — l’homme de main d’un chef puissant, et doit se soumettre à certaines obligations. Même si sa confiance envers Aidan Corjoug se fissure, même si ses questions sur le réel pouvoir des puissants de ce monde se transforment en doutes, même si d’autres opportunités et de nouvelles étrangetés se dessinent…

Une belle saga, donc, qui n’a rien à envier à ses cousines anglophones (en témoignent ce qu’on pourrait considérer comme des clins d’œil, voire des hommages à Hobb, Martin, Williams et Eddings, entre autres), et qui, sans surprise, nous laisse sur une curiosité pas encore rassasiée :; comment Syffe se sortira-t-il des révélations des derniers chapitres ? Que choisira-t-il quand l’ombre tant évoquée depuis le tome 3 surgit enfin (sadiquement, à la dernière page) ? Une question à laquelle nous n’aurons, de nouveau, pas la réponse dans ce tome. Sans surprise, donc, même conclusion que pour la chronique du tome précédent :; la suite, s’il vous plaît… Une suite qu’on espère plus ramassée — cette Maison des veilleurs aurait mérité une bonne coupe de cent pages, moins de digressions personnelles et de justifications stériles qui ajoutent des pages inutiles. Mais quand on aime les personnages, on s’accroche !

Maëlle ALAN

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