Jean MARIGNY, George Sylvester VIERECK
LA CLEF D'ARGENT
128pp - 15,00 €
Critique parue en octobre 2004 dans Bifrost n° 36
« Reginald Clarke, écrivain célèbre, esthète, mécène et homme du monde, aime à s'entourer de jeunes artistes talentueux qu'il dit vouloir aider. Mais que penser de tous ceux qui ont déjà croisé sa route et qui ont tout perdu : inspiration, talent, et jusqu'au goût de vivre ? »
Si je reproduis infra le début du quatrième de couverture de ce petit livre, c'est parce que ce texte promotionnel pose le sujet du livre jusqu'à le déflorer complètement. Ceci dit, même sans lire ce quatrième de couverture in extenso, la nature de Reginald Clarke ne fait aucun doute une fois passée la page 30 du récit : c'est un vampire, un vampire psychique qui se nourrit du talent de ses victimes et les laisse artistiquement exsangues. Si on en croit la préface de Jean Marigny, fort éclairante au demeurant, Reginald est le premier vampire psychique de l'histoire de la littérature. Ignorant tout du sujet, j'acquiesce, mais là où je ne suis plus le spécialiste Marigny, c'est quand il met en parallèle le Dracula de Bram Stoker et La Maison du vampire de Viereck. À mes yeux, c'est mettre sur un pied d'égalité une sympathique Fiat 500 et une squalesque Ferrari… Après lecture des deux ouvrages (manque de bol pour l'équipe de La clef d'argent, je venais de relire Dracula), il est clair que le Bram Stoker reste encore aujourd'hui le mètre-étalonde la littérature vampirique ; même des œuvres de très haute tenue comme L'Aube écarlate de Lucius Shepard, La Vierge de glace de Marc Behm ou Les Morsures de l'aube de Tonino Benacquista, ne sont que des enjolivures post-modernes des bases jetées par Stoker. Quant au vampirisme psychique, c'est bel et bien L'Echiquier du mal de Dan Simmons qui s'impose comme LA référence.
Malgré une traduction experte de Jean Marigny, La Maison du vampire est une curiosité désuète, en rien scandaleuse, mais qui n'a malheureusement pas les qualités littéraires du Dracula de Stoker, du Carmilla de Le Fanu et qui, surtout, échoue à posséder un centième de la verve du Portrait de Dorian Gray vers lequel il louche sans cesse. Pour acheter ce livre non disponible en librairie, le plus simple est encore de consulter le site de l'éditeur, site sur lequel vous trouverez quelques raretés tout à fait dignes d'intérêt, dont du Clark Ashton Smith.