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Les critiques de Bifrost

Critique parue en juillet 2001 dans Bifrost n° 23

Cette fois, ça y est. Ils sont passés de l'autre côté du cheval ! La ligne de démarcation… que dis-je, le Rubicon est franchi, en marchant sur la tête qui plus est ! Ça patauge au plus gros de la sci-fi qui remonte par-dessus les bottes jusqu'à la noyade…

On se souviendra du peu de bien que nous avions dit de La Maison des Atréides, première des « préquelles » du cycle de « Dune ». Cette fois, c'est pire !

Près de 700 pages avec rien. Une litanie de non-événements. Fort longue au demeurant. Il est quasiment impossible de raconter La Maison des Harkonnen tant l'absence d'intrigue est criante. C'est la « séquelle » (suite) d'une « préquelle », (en fait, un barbarisme par lequel on désigne un prélude écrit a posteriori histoire de se faire de la thune), ce qu'Épisode 1, La Menace fantôme est à Star Wars. La Maison des Atréides offrait au moins un tissu de complots croisés pour soutenir l'attention vacillante du lecteur : ici, il n'en reste que les ultimes soubresauts.

Il y a quelque chose de profondément navrant à voir une collection aussi prestigieuse qu' « Ailleurs et Demain » publier pareille daube. C'est la plus pure sci-fi qui soit ! A quand l'intégrale de Buffy avec la plastique de Gellar en couv' ? Ce tire-flouze éhonté risque fort de ternir durablement l'image de la collection. Après ça, on aura du mal à faire avaler au grand public que Dosadi, Radix, L'Anneau de Ritornel, Tous à Zanzibar ou Le Vagabond sont des chefs-d'œuvre dignes d'être lus. On va avoir l'air fin, nous autres qui connaissons le genre et nous permettons de donner des conseils, lorsque, recommandant « Dune », on se verra objecter ces tristes « préquelles »… Les plupart des Fleuve Noir de… Max-André Rayjean valent bien ça ! Ils ne sont pas plus difficiles à lire sans que leur action n'éclate en une multitude de sites où rien ne se passe.

 Même la couverture est moche ! Vivement Buffy en minirobe…

Cet ouvrage est, par sa médiocrité, un chancre sur la collection, une souillure sur son prestige. C'est aussi une excellente illustration de ce que le « marché » fait à la culture. C'est une démarche, une volonté. Pour liquider la culture, on en a connu qui sortaient leur revolver. Aujourd'hui, c'est le portefeuille qu'un certain libéralisme dégaine… La S-F est une littérature du questionnement qui gêne tous les marchands de dogmes. En imposant les « Maisons », ils font d'une pierre deux coups : raclant la thune et discréditant la S-F dans sa collection la plus prestigieuse. « Ailleurs et Demain » vire à la sci-fi comme naguère Pocket à la pink fantasy. Faut-il qu'un directeur de collection accepte pareille humiliation pour pouvoir continuer à nous offrir, avec toujours davantage de parcimonie, quelques livres dignes de ce nom ? C'est affligeant. Ça ne vaut pas un clou. Que La Maison Harkonnen manque à votre collection complète sera la marque de votre bon goût. Qui veut le mien ?

Jean-Pierre LION

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