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Les critiques de Bifrost

La Malédiction

Henry Lion OLDIE
LINGVA
14,00 €

Bifrost n° 87

Critique parue en juillet 2017 dans Bifrost n° 87

Vaille que vaille, Viktoriya et Patrice Lajoye poursuivent leur entreprise de mise à disposition auprès du lectorat francophone de textes issus des littératures de l’Imaginaire russe. Après Les Inhibés de Boris Strougatski, c’est au tour d’Henry Lion Oldie (pseudonyme du duo composé par Oleg Ladyjenski et Dmitri Gromov) de bénéficier d’une publication inédite dans la langue de Molière, cinq ans après le roman La Loi des mages. Cinq nouvelles en l’espèce, dont quatre ont déjà fait l’objet de parutions en France.

Peut-on revivifier l’amour? ? Et le revendre? ? Dans « Relève-toi, Lazar », manière de conte moral à la drôle d’ambiance, un homme va à la rencontre d’artisans du marché noir pour trafiquer les sentiments de sa femme à son égard… Le métro parisien a mauvaise réputation, en particulier la ligne 13, mais ce n’est rien en comparaison du « Huitième Cercle du métro », où les rames, les couloirs, les escalators sont désormais le prétexte de pièges mortels. Le narrateur en fait la dure expérience, au travers de ce récit haletant… Belle et triste nouvelle, « Viens me voir dans ma solitude » nous présente un passeur – le nocher des morts, probablement – confronté à un problème existentiel : il n’a plus personne à faire traverser, pour a simple raison qu’il n’y a plus personne tout court. Quel sens donner à sa vie, alors? ? Pareil sentiment d’inutilité frappe ce djinn, sorti de sa bouteille par un corbeau affamé : les humains ont disparu, la Terre est une désolation ravagée par les radiations. « Nevermore », disait le corbac de Poe, qui donne son titre à cette anxiogène nouvelle, quand bien même le corbeau d’icelle semble plutôt de l’avis contraire… « La Malédiction » est le seul texte inédit du recueil. Celle qui frappe le village de Clair-comme-bonjour, ses habitants devraient en être fiers – depuis cent ans, ils sont obligés de se montrer aimables entre eux sous peine de mourir. Or fiers, ils ne le sont pas. Pourquoi? ? Et comment y remédier? ? Un plaisant conte moral de fantasy.

On pourra reprocher une écriture parfois pataude (une traduction qui demeure un peu trop proche du texte? ?), rendant quelques passages confus et émoussant certaines conclusions brutales. Il n’empêche : très différentes dans leur ton, mêlant les genres – le postapo’ se fait conte, la mythologie prend une forme concrète, la fantasy se pare des atours de la fable morale –, ces cinq nouvelles font mouche et méritent qu’on s’y attarde.

Erwann PERCHOC

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