La Messagère (titre auquel on préférera la plus évocatrice version originale, The Book of Rain) est un roman qu’il est difficile de résumer car sa forme même déroute le lecteur, entrelacement de narration conventionnelle aux ellipses évidentes, d’extraits de journal intime, de chronologie ou d’informations de type journalistiques mises bout à bout… et même d’un texte écrit par un oiseau ! Disons que l’on suit grosso modo l’histoire, d’une part, d’Alex, qui essaye de retrouver sa sœur disparue dans un parc au sein duquel se produisent des événements inattendus, sans doute liés à la découverte, quelques décennies plus tôt, d’une pierre étonnante qui génère aléatoirement des trébuches, sortes de fractures dans le temps et/ ou l’espace ; et, d’autre part, de Claire, qui débarque sur une île qui semble être fidèle à la description que fit Platon de l’Atlantide, pour s’y livrer au trafic d’animaux en voie de disparition. Beaucoup d’éléments sont semés dans ce livre, comme les pièces d’un puzzle, et l’on voit difficilement le rapport entre eux. La quatrième de couverture invoque entre autres Jeff VanderMeer, et c’est sans doute en effet la comparaison qui vient le plus facilement à l’esprit quand on lit cette histoire qui semble weird par bien des aspects. On conseillera donc ici d’éviter de trop réfléchir à l’assemblage des pièces du puzzle sous peine de perdre de vue un des points forts de ce livre, à savoir la réaction de personnes confrontées à des événements qui les dépassent, dans un monde qui en est à un tournant environnemental, climatique, et qui doivent aussi se rappeler qu’ils n’en sont pas les seuls habitants, juste les membres d’un écosystème plus global. Alex et Claire, ainsi que les seconds rôles, sont éminemment attachants, dans leurs balbutiements, leurs fêlures, mais aussi leur volonté d’aller de l’avant pour comprendre ce monde en évolution. Peu à peu, néanmoins, sans que le lecteur le voie nécessairement venir, le puzzle se reconstitue, mais il restera sans doute à ce dernier de nombreuses zones d’ombre une fois l’ouvrage refermé, de sorte qu’il nécessitera vraisemblablement une seconde lecture pour comprendre les tenants et aboutissants de cette histoire. C’est sans doute un reproche que pourront faire certains à ce livre, d’avoir un peu trop dispersé les indices et éclaté les pistes pour rendre l’intrigue suffisamment lisible, mais la maîtrise formelle de Wharton, professeur d’écriture et d’anglais à l’université de l’Alberta, à Edmonton, et déjà auteur de plusieurs romans remarqués et dans nos genres, sa faculté à proposer une autre façon de raconter une histoire tout en s’emparant de la thématique climatique et en peuplant son roman de personnages candides qui font écho aux propres interrogations du lecteur, font indéniablement pencher la balance du bon côté.