Christophe Guillemain faisait, en 2022, une entrée réussie dans les littératures de l’Imaginaire francophone avec L’Enterrement des étoiles, un premier roman aux accents gothiques dans lequel, déjà, il révélait une très belle plume (cf. notre 106e livraison). La Morsure des roses jouit à son tour des qualités de son auteur tout en affirmant un goût prononcé pour une forme de récit et des thèmes particuliers.
L’histoire de Caelynn prend les traits d’un conte initiatique à l’atmosphère onirique, certes moins sombre que le premier roman de l’auteur, mais où se côtoient êtres divins et créatures en tous genres sur fond de fin du monde. Cette fille de dieu s’est décidée à quitter la solitude de la montagne où l’a confinée son divin paternel, mue tant par la nécessité de fuir les tourments infligés par deux de ses sœurs aînées que par le désir de parcourir le monde. Alors qu’elle a fini par s’installer dans une vie modeste mais heureuse au côté de son premier amour, ses origines se rappellent violemment à elle… N’ignorant rien de l’identité des responsables du tournant dramatique qu’a pris son existence, Caelynn reprend la route en direction du royaume où une dernière sœur mène désormais une vie fastueuse, bien décidée à lui en remontrer. Cette histoire familiale tourmentée va ainsi faire basculer le destin d’un royaume entier, car tout converge vers le même point :; un enfant à naître, dont les origines divines cristallisent les tensions.
« On dirait un conte. Le monde réel n’est pas ainsi », répond Caelynn à sa sœur alors qu’elle lui dévoile les dessous de cette filiation hors du commun. Peut-être une des plus belles répliques du récit, à laquelle cette dernière répond : « Notre vie est un conte. » Un très beau conte, en effet, dans lequel Christophe Guillemain ne se prive pas d’invoquer une fois encore un bestiaire extraordinaire et haut en couleur. Et Caelynn de naviguer tant bien que mal dans cet étrange univers qu’elle découvre en même temps que le lecteur, sans pour autant se laisser impressionner… C’est là un des points forts du roman : ses personnages sont formidablement bien écrits, sans stéréotypes ni clichés, sans jamais verser dans des facilités encore trop courantes dans le genre. En ce sens, Caelynn rappelle l’héroïne de Thecel (2020), dans lequel Léo Henry décrivait lui aussi une jeune femme allant au-devant de son destin, inspirante par sa liberté, sa détermination et son indépendance. Une véritable fraicheur dans le ton, juste et mesuré, qui n’empêche en rien l’auteur de dépeindre un monde auquel tant l’horreur que le merveilleux donnent un relief singulier, comme il avait su le faire dans L’Enterrement des étoiles — jusqu’à un joli final.
Une belle parenthèse de lecture, en somme, avec laquelle il fait bon s’évader en peu de pages.