Thierry FRAYSSE
CALLIDOR
408pp - 25,00 €
Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118
Fidèles à leur collection « L’Âge d’or », les éditions Callidor livrent ici un livre de très belle facture. Sous sa couverture noire, blanche et bronze, cette version de La Nef d’Ishtar d’Abraham Merrit comporte, outre le roman du même titre, deux nouvelles, « La Porte des dragons » et « La Route blanche », ainsi qu’une préface de Tim Powers, une postface bien documentée et de nombreuses illustrations en noir et blanc ou en couleurs de Virgil Finlay, mais également d’autres illustrateurs. Au premier regard, il y a donc de quoi se réjouir.
Au fil de la lecture ? Tout dépend de votre attente. Aviez-vous déjà lu La Nef d’Ishtar dans votre jeunesse et en gardiez-vous un souvenir ému ? Voulez-vous vous plonger dans l’histoire de la fantasy et voir ce qu’il existait avant les œuvres de Tolkien ou les premiers pas d’un certain Conan en 1932 ? Ou êtes-vous totalement néophyte à l’œuvre d’Abraham Merrit et n’avez-vous pas l’habitude de lire des textes aussi anciens ? Si vous avez répondu « Oui » à l’une ou l’autre des deux premières questions, ce livre est certainement fait pour vous. La nouvelle traduction donne un coup de jeune formel à ce texte et en allège certaines tournures. Et les deux nouvelles choisies (la toute première de l’auteur et l’incipit d’un roman que son décès l’empêchera de terminer) achèvent de donner un panorama assez complet sur la fantasy telle qu’elle était pensée aux États-Unis au début du xxe siècle.
Hélas, si vous avez répondu « Oui » à la troisième question, c’est là que le bât blesse. Au regard de 2025, La Nef d’Ishtar pâtit d’une construction bancale imputable à une entrée en matière trop rapide et une narration au fil de l’eau. Il faut dire qu’à l’origine, il s’agissait d’un feuilleton publié dans un hebdomadaire pulp. Et même si l’auteur l’a par la suite repris pour lui donner sa forme finale, il en reste des traces. Chaque chapitre devait faire vendre, il fallait donc de l’action et attirer le lecteur par une romance virile entre le héros américain bon teint et la splendide prêtresse du monde où ce dernier atterrit, monde en proie à un conflit entre deux divinités, le sombre Nergal et la fière Ishtar, comme annoncé en quatrième de couverture. Et de fait, tous les clichés du pulp y passent. Avec plus ou moins de bonheur suivant votre sensibilité et votre capacité à vous rappeler qu’en 1923, l’époque où l’histoire a été écrite, ces rebondissements répondaient aux attentes du lectorat tout en étant assez nouveaux pour surprendre et émerveiller. À vous de voir !