Après L'orgueil du conquérant en 96 et Le sang du conquérant en 97, voici donc que nous arrive la fin de cette volumineuse trilogie.
Souvenez-vous… Le premier tome nous contait l'implacable agression Jirrj vue par les Terriens : comment ces ET sans pitié achevaient les humains après les combats spatiaux à la manière dont les nazis des U-boat mitraillaient les canots de sauvetage. Pendant que la guerre à outrance embrasait la galaxie, Stewart Cavanagh, ex-parlementaire et homme d'affaires, montait un commando contre l'avis des autorités militaires pour retrouver son fils Pheylan, porté disparu. Considéré comme un traître, Cavanagh commençait alors à entrevoir la possibilité que les Mrachani, un peuple sous influence humaine, soient impliqués dans la guerre…
Le second tome, à l'inverse, nous montrait l'ignominieuse agression dont les Jirrj avaient été victimes de la part d'un peuple impitoyable (les humains) usant sans scrupule aucun d'armes gérontocides. On y apprenait combien les Jirrj, tout comme les humains, étaient divisés. D'un côté Thrr-Mezzaz et son frère Thrr-Gilag, officier et chercheur ; de l'autre Cvv-Panav, politicien peu scrupuleux cherchant à se servir de la guerre pour assouvir ses ambitions personnelles…
La Part du conquérant commence là où, dans les deux camps, en parallèle, certains – les bons – entrevoient que cette guerre est que le fruit d'un terrible malentendu. Petit à petit, la certitude se fait jour, alors que, poussés par Circé, une arme imaginaire, les Jirrj mènent une blitzkrieg et envahissent l'un après l'autre les mondes humains. Manipulés par les Mrachani, ils attaquent les Ycromae et envisagent de lancer l'assaut final contre la Terre. Pourtant, les humains ont trouvé les parades à l'arsenal Jirrj. Il faut mettre un terme au conflit avant que l'irréparable ne soit commis.
C'est donc de space opera qu'il s'agit, de la facture la plus classique qui soit, avec ses mondes étranges et ses aliens. Des aliens au demeurant parfaitement humains quant à leurs motivations, qu'ils soient bons ou méchants. Le clivage entre bons et méchants est d'ailleurs explicite. Il n'est pas ici question de bons humains contre de méchants aliens. Ni l'inverse. Les bons sont les artisans de la paix, les méchants les va-t-en-guerre des deux camps. Les politiciens sont discrédités, réduits à ne chercher qu'à assouvir leurs ambitions, au besoin par la guerre, et ce au profit des chercheurs mais aussi des soldats qui n'ont pas tous le mauvais rôle. Timothy Zahn reprend exactement la même configuration, en parallèle, tant chez les Jir que chez les humains. Tous les éléments de cette trilogie sont symétriques.
Si l'écriture est fluide et la lecture agréable, tout cela manque cruellement d'originalité, de sens of wonder. Les personnages sont bien campés mais manquent à ce point de souplesse que ça finit par paraître bien terne. On est à ce cent lieues du space opera flamboyant. Bien que cette trilogie n'arrive pas à la cheville du Cycle de la Culture de Iain M. Banks, on pourra toutefois à loisir comparer le pacifisme des deux œuvres : le si vis pacem para bellum de la Culture, qui l'amène à induire un autre peuple à l'agresser pour répliquer à titre préventif (voir ma critique de Excession), et cette guerre née d'un malentendu à laquelle, de part et d'autre, on essaye de mettre un terme. Le roman de Zahn est aussi naïf que celui de Banks est cynique, mais la comparaison de leurs conceptions du pacifisme vaut d'être faite…
Les 1200 pages de cette trilogie laissent au final une certaine déception. C'est et ça garde encore l'odeur de la fabrique. Si ce n'est pas mal fait, cela demeure trop peu inspiré. Malgré ses couvertures brillantes, cette trilogie manque d'éclat.