M.R. CAREY
L'ATALANTE
448pp - 23,90 €
Critique parue en juillet 2018 dans Bifrost n° 91
La Part du monstre est le second roman post-apo zombie de M.R. Carey. C’est aussi une manière de préquel à Celle qui a tous les dons.
Dix ans que la catastrophe zombie a commencé (nous sommes donc dix ans avant les faits de Celle…). La plus grande partie de la population britannique a été anéantie par les affams, les zombies affamés dont nul ne connaît l’origine mais dont la dangerosité extrême et contagieuse est certaine. Une grosse communauté survit dans la base de Beacon, gouvernée par une dyarchie instable civile et militaire. C’est de cette communauté que part pour plusieurs mois un véhicule blindé, le Rosie. Son équipage mixte (lui aussi, civil et militaire) doit faire la tournée des sites visités par une précédente expédition, perdue depuis, afin d’y collecter les éventuelles informations qui permettraient de lutter enfin efficacement contre le péril mortel qui menace l’humanité. Entre affams et pillards cannibales, les risques sont énormes, d’autant que l’équipe n’est pas cohésive, qu’une des scientifiques est — au pire moment — enceinte, qu’un des leaders du groupe est un agent infiltré de l’autorité militaire de Beacon. Le Rosie a néanmoins, même s’il l’ignore encore, un atout de taille en son sein : Stephen, 14 ans, la pièce rapportée imposée par la biologiste Khan, un autiste surdoué qui va faire une découverte capitale. Sera-ce suffisant ?
Le problème de fond du roman est qu’on sait, si on a lu son prédécesseur, que la réponse à la question précédente est non. Difficile alors de bâtir un thriller, même si le pitch semble pointer dans cette direction, d’autant que les structures des deux romans sont très similaires. Le texte souffre d’autres défauts : une première moitié bien poussive, une centration trop grande sur le petit (mais trop grand pour une vraie immersion) groupe du Rosie alors que des événements capitaux se déroulent au loin mais qu’ils ne sont traités que backstage, une progression narrative dont le moteur réside trop souvent dans la dissimulation d’informations capitales par telle ou telle partie du groupe. Quelques qualités, néanmoins. D’abord, le personnage et les processus mentaux de Stephen sont plutôt bien traités, me semble-t-il. Ensuite, quand le groupe devient plus réduit et que les enjeux se précisent, le texte aborde la question du prix à payer pour sauver l’humanité, dans une approche qui décide absolument de tourner le dos à l’humanocentrisme ; et c’est finalement ce point qui fait l’originalité du récit de Carey (mais là aussi, ça a déjà été vu dans le volume précédent). Enfin, il y a quelques bonnes pages, émouvantes parfois, sur l’acceptation de la fin, de sa propre fin, et quelques passages finement écrits de contact inter-espèce, une volonté manifeste d’humanisation de ces décidément non-humains que sont les infectés. Mais même l’émotion est rare et quelquefois, hélas, un peu facile.
Alors, lire ou pas ? On peut. On n’est pas obligé. D’autant que s’il est habituel de dire qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, c’est pourtant un peu le cas ici.