Iain M. BANKS
FLEUVE NOIR
555pp - 25,00 €
Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114
Dans l’œuvre science-fictive de Iain M. Banks, quelques romans évoluent en-dehors du cycle de la « Culture » ; parmi ceux-ci figure La Plage de verre, récit foisonnant de plus de sept cents pages, trop roublard pour véritablement convaincre. Et pourtant, l’intrigue débutait sous des auspices prometteurs.
Rangée des missions périlleuses depuis l’accident qui a failli lui coûter la vie, Sharrow se voit rappeler à son passé par une nouvelle funeste. Déterminée à mettre un terme à son existence, la secte des Huhsz s’apprête à lâcher ses chiens sur sa carcasse dès qu’elle aura décroché un passeport de chasse auprès de la Cour mondiale. L’aristocrate désabusée, redoutable agente de la planète Golter, sera alors hors-la-loi et susceptible d’être abattue sans autre forme de procès. À moins qu’elle ne leur rapporte l’ultime Canon Lent. Tout ceci n’est bien sûr que le prélude à une quête en forme de course-poursuite, où Sharrow voit les alliés de circonstance se muer en ennemis résolus, au gré de changements d’allégeances dictés par la perspective de s’enrichir à peu de frais. Dans un monde balkanisé, oscillant entre féodalisme et monarchie, il lui reste à retrouver les survivants de son équipe de choc, seuls individus à qui elle peut accorder toute confiance.
Si l’univers de la Culture déploie sa richesse et toutes les facettes de son ambiguïté sur plusieurs volumes, celui de La Plage de verre tient tout entier dans un seul livre, donnant une fâcheuse impression de trop-plein qui finit par peser sur une narration un tantinet décousue. Le périple de Sharrow recèle néanmoins de nombreux moments forts, des points d’orgue épiques, violents et tragiques, mais aussi moult trouvailles promptes à stimuler le sense of wonder de l’amateur d’aventures bigger than life. On traverse ainsi différentes régions de la planète Golter en agréable compagnie, notamment celle d’un androïde dont la distanciation ironique ne s’embarrasse pas des trois lois de la robotique. Entre cambriolage, tentative d’assassinat au dénouement imprévu et hilarant, attaque de train, découverte de mondes insolites et de façons de penser originales, Iain M. Banks n’oublie pas d’user de son sens affûté de la satire, ne se départant à aucun moment de ce regard railleur et critique que l’on apprécie tant.
Hélas, en dépit de toutes les qualités qu’on peut lui trouver, force est de reconnaître que La Plage de verre se situe un bon cran en-dessous des récits de la « Culture », ceci n’en faisant pas pour autant un mauvais roman, bien au contraire.