Johan HELIOT
L'ATALANTE
192pp - 10,00 €
Critique parue en avril 2010 dans Bifrost n° 58
Johan Heliot, auteur éclectique plein de malice, grand amateur de littérature populaire, aime à aborder et mêler tant les genres que les univers, aussi éloignés soient-ils. Ainsi dans Faërie Hackers, où la fantasy et la technologie moderne s’interpénètrent, ou encore dans Pandemonium, qui voit Vidocq se colleter avec des extraterrestres. Dans Izaïn, né du désert, un court roman au rythme endiablé, il mixe non sans jubilation les codes du récit de piraterie à ceux de la pure science-fiction. De fait, c’est dans un univers aride et peu accueillant, sur une planète hostile et en partie désertique, que débute La Quête d’Espérance, récit « jeunesse » annoncé comme une trilogie.
C’est tout d’abord l’ombre de Dune qui plane sur cette histoire. Avec pour commencer les vaisseaux du désert, ces gigantes-ques vers que les marchands et les pirates ont « habillés » comme des navires : on y trouve une proue, une poupe et un gaillard d’arrière, un bosco et son équipage, un code d’honneur. Et des cales, même si ici ce sont en fait les multiples estomacs de la bête qui permettent de stocker les marchandises. Le jeune Izaïn ensuite, apparu d’on ne sait où, dans le désert, comme par miracle, vide de tout souvenir mais doté de pouvoirs fabuleux et d’un livre à l’écriture mystérieuse. Il sera bientôt poursuivi par une secte de fanatiques, les Fondationnistes, qui voient en lui le Messie venu les sauver…
Le corpus des œuvres post-apocalyptiques, époque oblige, n’est pas loin non plus. Les villes, manières d’oasis séparées par un désert mortel, sont dirigées par des hommes sans foi ni loi qui n’ont pour buts que leur survie ou leurs plaisirs. Tous appartiennent à des tribus distinctes : les marchands, ou « terreux », les Gueux et leur Roi (clin d’œil à tout un pan d’œuvres du XIXe — Heliot est un amoureux des littératures populaires, on vous dit), les Fondationnistes, les pirates de fer ou « ferreux ». Dans la série des Mad Max, l’essence faisait la fortune de qui la possédait. Ici c’est le fluide, ce liquide qui permet aux vers de se nourrir, et donc aux hommes de se déplacer et d’échanger des marchandises ; un liquide qui permet également aux machines de fonctionner, comme les armures des pirates de fer, horde terrifiante dont les membres sont recouverts d’une armure intégrale.
Parce que c’est un roman étiqueté « jeunesse », les personnages sont croqués rapidement, au fil de l’action, et les descriptions réduites à l’essentiel. Sans que cela ne nuise en rien à la richesse de l’univers, d’autant que ce dernier fait écho, pour tout amateur de S-F digne de ce nom, à de nombreuses images engrangées au cours de ses lectures. Ainsi, dès le premier chapitre, le lecteur se retrouve plongé au cœur de ce monde aussi bien familier qu’original du fait de ses associations. Le rythme ne faiblit à aucun mo-ment, les événements s’enchaînent sans pause. La psychologie des protagonistes s’en trouve naturellement assez peu fouillée, aussi ne faut-il pas s’attendre à voir beaucoup évoluer les personnages au fil des chapitres. Reste que Johan Heliot n’en parvient pas moins à éviter ce manichéisme dénué de nuances si souvent présent dans les créations destinées aux plus jeunes. De nouveaux personnages viennent remplacer ceux que l’auteur n’hésite pas à tuer et enrichir une intrigue qui, si elle n’est pas d’une originalité vertigineuse, suffit au plaisir de lecture… Et donne sans conteste envie de jeter plus qu’un œil aux Pirates de fer, second opus de la présente trilogie qui devrait être tout chaud paru au moment où vous lisez ces lignes. Sans même parler, dans un tout autre genre (l’uchronie, très apprécié de ce professeur d’histoire), et un registre cette fois résolument adulte, d’Ordre noir, pavé fort attendu au Fleuve Noir et roman lui aussi annoncé pour avril 2010. Vivement !