François MURATET
SERPENT A PLUMES
420pp - 21,00 €
Critique parue en octobre 2003 dans Bifrost n° 32
2049, les milices de Pim Head prennent le pouvoir ; en fait le reçoivent du président de la Fédération Européenne durant une émission de télévision (comment ne pas penser à l'arrivée au pouvoir d'Hitler ou au Sarkozy Show permanent qu'est devenu TF1). La guerre entre les libéraux (attention méchants !) et les hypercommunistes (et autres fumeurs de foin ultra-gauchistes écolos anti-fachos) peut commencer : manifestations, sabotages, piratages informatiques, etc.
François Muratet est un écrivain engagé, un rien rebelle, il a des « idéaux d'emprunt » à défaut d'avoir des idées personnelles et semble sincère dans sa démarche littéraire socialisante (hommage appuyé au Talon de fer de Jack London, mélangé avec quelques chansons de Zebda et un poil de S-F politique française de la fin des seventies). Mais son ouvrage, tout à fait lisible à défaut d'être hautement recommandable, est d'une naïveté politique permanente (à côté, La Lune seule le sait de Johan Heliot fait figure du Prince de Machiavel). La vision que Muratet donne du monde de 2049 et des événements qui ont forgé ledit monde (pages 13 à 15) est si peu crédible que l'on se demande pourquoi l'auteur a jugé nécessaire de placer son récit à cette date. Quant aux descriptions de piratages informatiques (grotesques), de progrès médicaux et scientifiques (bonjour les couvertures de Science et Vie junior), impossible d'y croire… Le futur du professeur d'histoire-géographie Muratet est en carton-pâte ; c'est un mauvais décor de théâtre. Ce qui pourrait être acceptable — Sheckley a fait bien pire — si la pièce était passionnante ; ce n'est pas le cas. Les trajectoires de Dark, Olof, Visnya, Kalim et Alf ne sont en rien palpitantes, leurs propos sont creux et parfois d'une connerie abyssale. Et il y a pire dans cet ouvrage que l'éditeur ne recule pas à définir comme un mélange de Dantec, d'Asimov, d'Orwell avec des scènes d'action à la Matrix : les passages « américains »… où Los Angeles ressemble à Oléron-plage et l'Amérique à un mauvais épisode de l'Agence tous risques.
Tout cela est bien malheureux, car j'aurais préféré expliquer pourquoi La Révolte des rats a sa place entre Le Talon de fer de Jack London et Tous à Zanzibar de John Brunner. D'autant qu'il n'y a quasiment plus d'auteurs francophones écrivant de la science-fiction prospective, osant se colleter avec le futur proche. Un domaine dans lequel le dernier livre qui mérite votre attention est sans conteste le recueil de nouvelles de Sylvie Denis : Jardins virtuels, bien plus riche en idées et en visions que les quatre cent vingt pages et les cent quatre chapitres de La Révolte des rats.