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Les critiques de Bifrost

La Ronde des esprits

La Ronde des esprits

Nalo HOPKINSON
J'AI LU
234pp - 14,00 €

Bifrost n° 25

Critique parue en février 2002 dans Bifrost n° 25

À une époque indéterminée — proche futur, proche passé (uchronie, alors). Le centre-ville de Toronto a été ravagé par les émeutes. Les riches se sont repliés en périphérie tandis que, au cœur de la cité, ceux qui n'ont pu fuir, ou qui ont choisi de rester, se démènent tant bien que mal pour survivre dans ce no man's land brutal dépourvu de tout. C'est le royaume de Rudy Sheldon, trafiquant de drogue et sorcier vaudou, chef de gang et, pour l'occasion, chargé par le gouvernement de trouver un cœur humain susceptible de remplacer l'organe déficient du Premier Ministre. Une quête qui va bouleverser les vies de Ti-Jeanne et sa grand-mère Mami Gros-Jeanne, une célébrité du quartier, rebouteuse, guérisseuse et, accessoirement, maîtresse des arts de la « Terre de Guinée ».

La Ronde des esprits est un bouquin qui nous arrive auréolé d'un John W. Campbell Award et du prix Locus du meilleur premier roman. Par une jeune autrice (la quarantaine) vivant au Canada mais d'origine jamaïquaine qui, au vu du substrat culturel de son livre, n'a en rien renié ses origines. Une Nalo Hopkinson qui parle parfaitement français et dont Midnight Robber, le second roman (à ce jour inédit par chez nous), fut finaliste au Hugo 2001. Bref, il y a là tout un ensemble de petites choses qui concourent à mettre le lecteur dans une prédisposition particulièrement positive à l'encontre de La Ronde des esprits. Autant dire qu'on tombe de haut.

Même si Hopkinson fait d'emblée état d'une belle maîtrise narrative, pose son intrigue, ses personnages, avec efficacité — il est clair que tous les premiers romans sont loin d'afficher pareilles qualités. Même s'il y a cette sorcellerie vaudou aux parfums d'Afrique, cette magie et la plongée dans une culture radicalement autre qui sont, en définitive, le principal intérêt du livre. Parce que pour le reste, outre un ou deux moments de bravoure directement liés à cette magie évoqué plus haut, on en vient à se féliciter que le bouquin ne fasse que 200 pages.
À l'évidence, La Ronde des esprits pâtit d'une traduction médiocre, redondante, poussive, traduction qui contribue probablement au manque de saveur du livre. Mais qu'importe au lecteur francophone que le bouquin soit bien meilleur dans sa version originale ? Le fait est que J'ai Lu nous offre un grand format sans envergure. Demeurent deux solutions : le lire en anglais ou attendre une éventuelle réédition en poche à 5 euros. Pour l'heure : on passe.

Olivier GIRARD

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