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Les critiques de Bifrost

La Sonate Hydrogène

Iain M. BANKS
ROBERT LAFFONT
539pp - 24,00 €

Critique parue en avril 2014 dans Bifrost n° 74

Dans des temps lointains, les Gziltes, une espèce humanoïde, avaient décliné l’offre d’intégrer la Culture, par suffisance et prétention plus que par manque d’intérêt, en raison d’un livre sacré que leur ont remis les Zihdren, Le Livre de Vérité, qui leur prédisait un destin exceptionnel et ne serait pas devenu une Bible s’il n’avait décrit précisément chaque étape de leur évolution. À présent, parvenus à un très haut degré de civilisation, comme les Zihdren en leur temps, les Gziltes s’apprêtent à Sublimer, c’est-à-dire à transcender collectivement dans des dimensions cachées vers une forme supérieure de conscience. Mythe ou réalité ? Le voyage est sans retour, à de rares exceptions près, lesquelles se montrent toutes incapables de décrire le degré de félicité de cet ailleurs. Les vestiges de civilisation que laisse derrière elle une espèce ayant Sublimé sont pillés par des civilisations inférieures, méprisées par celles qui poursuivent leur évolution sans rien devoir à personne. Cette fois, deux Charognards, les Liseiden et les Rontes, postulent pour bénéficier de cet héritage. Quelle civilisation l’emportera ? On œuvre en coulisses… Sauf qu’un vaisseau de Zihdren-Reliquants, à savoir la fraction très minoritaire de Zihdren ayant refusé la Sublimation, et qui n’a plus le nom de civilisation, vient délivrer peu avant la cérémonie de Sublimation un message qui pourrait remettre celle-ci en question. Mais il est détruit par un bâtiment gzilte, comme l’est également un Quartier général gzilte. Les vaisseaux de la Culture, intrigués, décident d’enquêter sur ce qui se trame. C’est ainsi que plusieurs Mentaux se portent sur les lieux de l’action et sont amenés, parfois sous la forme de leurs avatars, à jouer un rôle dans une intrigue relativement complexe. Dans le même temps, Vyr Cossont, jeune lieutenant-commandant de réserve gzilte, qui s’est fait greffer une paire de bras supplémentaire pour pouvoir exécuter la Sonate Hydrogène, réputée injouable, voire inécoutable, sur l’improbable instrument de musique conçu à cet effet, l’Undécagone Antagoniste, aussi appelé onzecordes, doit reprendre du service pour retrouver un humain qu’elle a croisé, QiRia, plus vieux que la Culture, qui pourrait expliquer les raisons de ces massacres…

La trame est celle d’un roman d’espionnage, où chaque coup fait l’objet d’évaluations de la part des factions adverses. Les relances de la quête à chaque élucidation partielle permettent à Banks de poursuivre, par petites touches, sa réflexion sur l’immortalité et la vie après la mort. Le finale, très pyrotechnique, donne à ces questions métaphysiques une dimension tragi-comique que l’auteur exploite avec son sens du dérisoire. Le destin des civilisations et la question de la vie après la mort sont en effet au centre du roman. Dans une Galaxie grouillante de vie où des sociétés, par leur démesure même, accèdent à des statuts quasi divins, les sempiternelles questions du sens de la vie se posent selon des perspectives différentes. Mais sans aucune gravité : avec son sens du space-opera et son humour décalé, Banks joue de sa Sonate avec un grand sens de la mesure.

Par un ironique destin, cet opus revêt une portée encore plus particulière depuis que Iain M. Banks s’est à son tour sublimé dans une dimension cachée où se déploie désormais son univers de la « Culture ».

Claude ECKEN

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