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Les critiques de Bifrost

La Tempête du Siècle

Stephen KING
LIVRE DE POCHE
448pp - 6,60 €

Critique parue en avril 1999 dans Bifrost n° 13

Affirmons-le d'emblée ce n'est pas là le nouveau grand roman de Stephen King. Ce dernier a déjà un titre, Bag of Bones, et il a été publié aux Etats-Unis par Simon & Schuster — il semble fort raisonnable d'espérer qu'il paraîtra bientôt en France. La Tempête du siècle n'est pas non plus la novélisation de la minie-série homonyme de la chaîne américaine ABC. En fait, il s'agit tout simplement du scénario brut de décoffrage de cette production. Certes, ce texte est bel et bien signé par Stephen King, mais il a été pensé et formaté pour être joué et mis en scène.

Au-delà de la forme, qui ne facilite pas la lecture, on peut quand même apprécier le récit de King réservant, comme d'habitude quelques bonnes surprises pour le lecteur et d'autres moins bonnes pour les personnages. Car, après la fantasy de La Tour sombre, le romancier fait un retour aux sources et renoue ici avec l'horreur pure, celle de ses premières œuvres, de Carrie à Bazaar, en passant par Christine et Simetierre.

Ne pouvant situer cette nouvelle histoire à Castle Rock, cette ville ayant été dévastée dans Bazaar, Stephen King choisit la petite communauté de Little Tall Island. L'île de Dolores Claiborne est en effet idéale pour un huis clos tel que La Tempête du siècle. Isolés du monde par une catastrophe naturelle — la tempête dite « du siècle » qui frappe les États-Unis, et le Maine en particulier —, les hommes, les femmes et les enfants de Little Tall Island vont devoir affronter une autre catastrophe, surnaturelle celle-là, personnifiée par cet étranger nommé André Linoge. Par bien des aspects, ce dernier ressemble au Leland Gaunt de Bazaar ou au Randall Flagg du Fléau. Son arrivée à Little Tall Island provoque la fin de l'harmonie toute apparente qui existait sur cette petite île. Sa venue est marquée par un meurtre horrible et incompréhensible, celui de Martha Clarendon. Un crime dont l'assassin est immédiatement identifié par Mike Anderson, comptable à temps partiel de Little Tall Island, en la personne d'André Linoge. Cependant, le fait de mettre ce meurtrier sous les verrous est loin de résoudre tous les problèmes. Comme les habitants de Little Tall Island s'en rendront compte et de la manière la plus tragique qui soit.

Habituellement, ce qui fait le charme et l'efficacité des récits de Stephen King, c'est son inimitable approche des personnages. Leur caractérisation parfaite est la marque de fabrique de ce romancier, dont le goût du détail parvient à humaniser presque totalement les créations de son esprit fécond. Hélas, dans La Tempête du siècle les personnages sont réduits à la portion congrue au profit des dialogues et des indications techniques (puisque toutes les mises en place de caméra et formats de prise de vue sont présentes dans le texte proposé par Albin Michel). Avec un brin d'exagération, on peut dire que ce ne sont plus que des marionnettes sans âme que des acteurs tels que Tim Daly (Mike Anderson) Debrah Farentino (Molly Anderson), Casey Siemaszko (Hatch), Jeffrey DeMunn (Robbie Beals), Julianne Nicholson (Cat Withers) et surtout Colm Feore (André Linoge), ont animées lors du tournage, sous la direction du réalisateur Craig R. Baxley (L'Agence tous risques, Dark Angel).

On ne peut donc qu'attendre, avec une certaine impatience, de voir le résultat à l'écran. Notons au passage que La Tempête du siècle (la minie-série) a été diffusée par la chaîne américaine ABC les dimanche 14, lundi 15 et mardi 16 février 1999, à 21h00.

Au final, La Tempête du siècle (le livre) apparaît donc comme un simple pis-aller, un vulgaire substitut, un banal moyen de calmer les fans du King en manque de sa prose inimitable. Mais à trop jouer ce jeu-là, les éditeurs risquent de dégoûter plus d'un lecteur. Ce qui, on en conviendra, serait plus que regrettable...

Philippe PAYGNARD

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