Dans un monde qu’on suppose notre futur, de gigantesques marées végétales parcourent les landes tels des typhons, ravageant tout sur leur passage. Un danger certes mortel, mais une bénédiction, aussi, en tous cas pour les trameurs. En effet ces derniers, manière de communauté zadiste revue par un George Miller qui aurait trop lu Le Hobbit, bravant le danger, dans un nomadisme perpétuel, y dénichent les végétaux leur assurant nourriture, habitat, vêtements et nécessaire au troc… La Trame (majuscule) est « un village mobile, une flottille terrestre, un hameau à roues ». Nous allons donc ici suivre cette dernière et ses trameurs dans leur pérégrination, leur prendre le Pas (majuscule, encore – le texte en compte foison). Et découvrir cet étrange univers.
Récit sous influence damasienne puissante, La Trame se déploie dans une langue extrêmement riche, inventive, parfois belle, souvent drôle, pleine d’intrications. Un poème narratif, en quelque sorte, une scansion dynamique, perpétuelle. L’ambition langagière est indéniable. Avec son inévitable écueil : elle se mérite, vous résiste, séduit ou agace, c’est selon. Pas simple de déchiffrer la trame, en somme, et ce d’autant que le Bombyx Mori Collectif ne s’embarrasse guère des vétilles que sont les horizons d’attente ou la caractérisation de personnages. Ici, la véritable marée n’est pas végétale, elle est langagière, au risque de s’y noyer. Il est question de suivre le Pas des trameurs. J’avoue m’être trainé plutôt que d’avoir couru le long de ces 180 pages écrites (trop) petit, qui m’ont semblé en faire le double. Et si on ne peut mettre en doute l’ambition littéraire déployée par les quatre auteurs du présent collectif, force est de constater que j’ai pour ma part regardé passer cette caravane bruyante et bigarrée, pleine de verve et de verbes, sans jamais réellement pouvoir y prendre place. Gageons que d’autres y parviendront sans doute. Une expérience, en tout cas. Et ce n’est déjà pas si courant (sans jeu de mots).