AYERDHAL
ACTUSF
196pp - 12,00 €
Critique parue en octobre 2013 dans Bifrost n° 72
La réédition de ces deux novellas, revues et corrigées par l’auteur pour l’occasion, nous permet de revenir aux sources de l’œuvre d’Ayerdhal, dans l’univers de l’Homéocratie qui servait de toile de fond à ses premiers romans — La Bohème et l’Ivraie, Le Chant du Drille ou encore Mytale, autant d’œuvres dans lesquelles space opera et discours politique vindicatif faisaient très bon ménage.
L’Homéocratie est un gouvernement fédéral dont l’influence s’étend sur quelques centaines de mondes, une démocratie où chacun a voix mais où certains ont davantage de difficultés à se faire entendre que d’autres, un système politique s’interdisant d’avoir recours à l’arbitraire tout en essayant de ne pas sombrer dans l’anarchie, bref : un joyeux et permanent bordel à l’échelle galactique.
Anthelm Lax, le héros de « La Troisième lame », est un Médiateur, un personnage théoriquement neutre, envoyé en mission sur Melig, petite colonie en apparence sans histoires où l’agent local de l’Homéocratie vient pourtant d’être assassiné. On craint une rébellion, et Lax est chargé d’apaiser les tensions. Pourtant, sur place, rien ne vient confirmer cette thèse, bien au contraire… Tout au long de ce récit, Ayerdhal œuvre au sein d’un registre ou il excelle, celui du thriller d’espionnage mâtiné de science-fiction, dans lequel différentes factions s’affrontent hors-champ, avancent leurs pions méthodiquement, manipulent, sont à leur tour manipulées. En façade rien ne transparait, mais dans les coulisses tout le monde s’active, et les conséquences apparaissent bientôt au grand jour. Dans ce contexte, entre idéalisme sincère et pragmatisme résigné, Anthelm Lax finit par se trouver dans une situation impossible, contraint à prendre des décisions qu’il abhorre. Jusqu’au bout, l’auteur tire les ficelles de son récit avec maestria, qu’il conclut sur un ultime retournement de situation inattendu.
Plus apaisé, « Pollinisation » se présente comme un voyage au cœur d’un monde dont les habitants vivent en communion avec leur environnement, un voyage qui va rapidement prendre des allures de parcours initiatique. Comme dans le texte précédent, il s’agit avant tout pour les habitants de cette planète de défendre les spécificités de leur mode de vie et de faire appel à tous leurs moyens, aussi dérisoires semblent-ils en apparence, face à la toute-puissance de l’Homéocratie et aux dérives dont certaines de ses composantes s’avèrent capables. Ici encore, Ayerdhal déroule un scénario habile qui ne révèle ses véritables enjeux que dans les pages ultimes du récit.
On est donc content de relire ces deux nouvelles, parmi les meilleures de son auteur, et on serait plus heureux encore de le voir revenir à ce registre, qu’il n’a plus abordé depuis trop longtemps.