Francis MIZIO
BALEINE
196pp - 6,40 €
Critique parue en juillet 1999 dans Bifrost n° 14
La retraite à trente-sept ans n'est pas forcément une partie de plaisir, comme le découvre Ladislas à ses dépens, car la société veille à ce qu'il ne manque pas d'activités. En fait de loisirs, il s'agit plutôt de travaux bénévoles obligatoires, allant jusqu'à la décontamination d'usines nucléaires, pour que perdure la société Écomutualiste grâce à laquelle la Terre est devenue un paradis. Les retraités du dernier niveau gagnent ainsi des voyages dans l'espace. Mais il est avéré depuis longtemps que les plus belles utopies cachent les plus gros mensonges et que le bonheur donné à tous est d'essence totalitaire.
Ladislas est un sceptique atrabilaire qui a tendance à broyer du noir, ce qui fait de lui un déviant potentiel. Comme on l'empêche de se consacrer à ses études historiques, il pense plaider sa cause auprès de Macno, si l'agence n'a pas d'affaires plus urgentes en cours. Sa quête le mène dans le monde des IA qui, entre deux missions sur des univers parallèles issus de fictions, s'éclatent de la même façon que les humains sur QNet.
Entre 1984 et Les Barreaux de l'Eden, le roman de Mizio est une critique des utopies collectivistes. L'action progresse de façon un peu poussive, mais l'exposé de la société fournit de beaux feux d'artifices philosophiques et littéraires, très réjouissants de surcroît. Mizio, en parfait connaisseur de la S-F parvient à donner une cohérence aux univers divergents de la série « Macno » (les sociétés étant pour le moins dissemblables d'un auteur à l'autre) en expliquant que de chaque œuvre naît un univers parallèles : les missions de Macno se passent aussi bien dans Stars Wars univers Lucas/Zahn que dans les univers Egan, Ligny, Asimov ou encore Stephenson, plutôt redoutable celui-là puisqu'un retard de livraison de pizza déclenche des réactions dans le Métavers à cause d'un four à logique floue !