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Les critiques de Bifrost

La Vieillesse de l'Axolotl

Jacek DUKAJ
RIVAGES
336pp - 22,50 €

Critique parue en janvier 2025 dans Bifrost n° 117

Un événement cosmique d’ori­gine inconnue engendre une va­gue de neutrons qui balaye la Terre, détruisant toute vie orga­nique. À la faveur de la lente rotation planétaire, quelques cen­taines d’individus profitent des dernières technologies développées pour les jeux vidéo afin de réaliser une copie numérique de leur esprit avant que leur hémisphère soit à son tour exposé aux radiations. Privés de corps, ils sont contraints à se transférer dans les processeurs de robots agricoles, de machines industrielles, voire de sexbots japonais, devenant ainsi des Transformers. Ceux qui ont la mauvaise idée de se télécharger sur internet ne survivent pas aux malwares et autres virus. Des alliances se créent, d’abord sur des critères géographiques, puis des groupements d’intérêt basés sur le contrôle des ressources. Des philosophies apparaissent, des religions naissent, chacun tentant de donner un sens à cette nouvelle existence. Les copies numériques n’étant que superficielles, et donc incomplètes, tous prennent conscience de la perte irréversible de leur humanité. Certains tentent alors de recréer la vie biologique à partir des banques de données génomiques. Mais rien ne se passe comme souhaité et la vie organique 2.0 va évoluer différemment de ce qu’elle était. De leur côté, les Transformers modifient leurs corps mécaniques selon leurs besoins. Mais lorsque tout est possible, rien ne pousse au progrès. La Vieillesse de l’axolotl suit le parcours de Greg à travers cette nouvelle inexistence. Rescapé de l’Extermination, Greg se dirige à petits pas vers une grosse déprime ontologique.

À la manière d’Olaf Stapledon, qu’il cite en fin d’ouvrage, Jacek Dukaj (lui-même philosophe de formation) propose une réflexion sur la nature humaine à travers un récit distrayant, voire même très humoristique dans ses références à la culture geek, qui utilise les clichés de la science-fiction moderne, pour construire un conte philosophique. En privant les humains de corps biologiques, il interroge la nature de la conscience, de la perception, des émotions, et de l’âme humaine si tant est qu’il en existe une. Bref, voilà un court roman très réussi, aussi amusant que déprimant, intelligent et passionnant à lire.

On se questionnera toutefois sur les choix éditoriaux qui l’ont amené jusqu’à nos librairies. Conçu à l’origine comme un ou­vrage numérique, accompagné d’illustrations et d’un glossaire, Starość aksolotla a été traduit en anglais sous le titre The Old Axolotl, et publié aux USA en 2015 dans son format initial, soit une novella de 160 pages électroniques. Les éditions Rivages lui ont donné un corps physique et l’ont transformé en un livre pa­pier, n’imprimant… qu’une page sur deux, usant de l’espace libre pour y coller, parfois, quelques lignes tirées d’un glossaire superflu, et en faire un ouvrage de 336 pages vendu au prix d’un roman (plus de 22 balles, donc) sous une traduction dont les incohérences laissent tout aussi songeur. Le lecteur français appréciera…

 

 

 

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