Nicolas STETENFELD, Dominique WARFA
LES IMPRESSIONS NOUVELLES
536pp - 12,00 €
Critique parue en juillet 2024 dans Bifrost n° 115
Celles et ceux les plus au fait du milieu francophone de la SF connaissent sans doute le nom de Dominique Warfa. Né à Liège en 1954, il a, à partir des années 1970, activement œuvré à la défense comme à l’illustration du genre outre-Quiévrain. Quant à la première, il a publié nombre de critiques et études, en partie réunies dans Une brève histoire de la science-fiction belge francophone et autres essais (2015). Non seulement essayiste, il pratique encore la SF en tant qu’écrivain. Adepte de la forme courte, il est l’auteur d’une quarantaine de nouvelles. C’est une anthologie rassemblant dix-sept d’entre elles que propose la collection « Espace Nord » avec Lagune morte et autres nouvelles. Elles s’échelonnent de 1976 (« Aux couleurs d’un rivage blond ») à 2022 (« Les Hommes-sœurs d’Hermonville »). Suivis d’un entretien avec l’auteur, ces textes dressent un état des lieux sans doute significatif de son imaginaire science-fictionnel.
La plus évidente de ses caractéristiques est sa perméabilité à l’air du temps de la SF. Chacun des récits témoigne de l’un ou l’autre des univers science-fictionnels dominants lors de leur écriture, les uns littéraires, les autres audiovisuels. « Aux couleurs d’un rivage blond » et « Rituel pour un homme claustré » sont placés sous le patronage du film d’Alain Resnais, Je t’aime, je t’aime (1968). La mythologie ufologique imprègne « Les Lumières du Bellaire » et « La Danse de l’aigle ». L’influence du cyberpunk est perceptible dans « Le Danseur absolu » ou dans « Une saison sang et marine ». Et l’on pourrait ajouter à ce répertoire thématique ceux du space opera progressiste, à tonalité post-coloniale (« Un bal sur Tempête ») ou en prise avec les questions de genre (« Les Hommes-sœurs d’Hermonville »). Moins marqués par le contexte dans lequel ils furent créés, d’autres textes n’en sont pas moins référentiels, se présentant comme des hommages à des figures tutélaires de l’Imaginaire tel Jean Ray (« Comme un visage de vieil Indien buriné », « La Voile verte ») ou J.R.R. Tolkien (« L’Académie des liqueurs rares »). Ainsi marquées par leur « porosité avec le milieu [de la SF] et les mouvements qui le traversent », ces dix-sept nouvelles prennent à terme des allures de « déambulation à travers [le genre] des années 1970 à nos jours », comme l’écrit l’intervieweur (anonyme) de Dominique Warfa.
Susceptible d’intéresser celles et ceux entretenant un rapport avant tout historique à la SF, cette anthologie séduira peut-être moins aisément amateurs et amatrices de plaisir d’abord littéraire. Il ne sera certes pas nul, l’auteur possédant une plume non dénuée de raffinement, lui permettant de camper de façon souvent évocatrice ses différents univers. Mais si l’on est en quête de récits riches en tension narrative, sans doute risque-t-on de rester sur sa faim. Et pas seulement parce que Dominique Warfa est grand amateur de fin ouverte. Sa SF tient en effet plus d’une littérature d’atmosphère que de celle du page-turner…