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Les critiques de Bifrost

Le Bassin d'Aphrodite

Gert NYGARDSHAUG
J'AI LU
416pp - 19,90 €

Critique parue en avril 2016 dans Bifrost n° 82

Troisième volet de la trilogie initiée par Gert Nygårdshaug, Le Bassin d’Aphrodite se place dans la continuation immédiate du Crépuscule de Niobé. D’une tournure plus apaisée, l’histoire s’apparente à une sorte de fly novel entre la Norvège et le Sahara, via le Lac de Garde en Italie, le tout saupoudrée d’allusions à Saint-Exupéry, à son Petit Prince et à la mythologie. Dans une Europe retournée à l’état de forêt primaire, où les rares humains meurent empoisonnés par une substance répandue dans l’eau par les racines des arbres, on suit un père et son fils dans leur quête du paradis perdu. Ayant poussé sa logique jusqu’à son terme fatidique, Mino Aquiles Portoguesa a en effet libéré les semences d’une plante mutante qui a colonisé l’ensemble du continent et du monde, réduisant les hommes et leurs réalisations à des vestiges appelés à disparaître.

Très lente, l’intrigue prend son temps pour démarrer, se focalisant au début sur l’existence retirée de Jonar Snefang et de son fils Erlan. Réfugiés dans une vallée isolée de Norvège pour échapper à la guerre civile européenne, ils vivent seuls dans une cabane, se nourrissant de poissons pêchés dans un étang proche. Rattrapés par la croissance de la forêt, ils ne doivent leur survie qu’à l’usage d’un poison végétal, l’atrazine, et à leur sens de l’observation. Perturbé par un rêve récurrent, Jonar finit par convaincre Erlan de rompre leur isolement. Ils improvisent une expédition à bord de l’hydravion laissé par Mino que la végétation a miraculeuse ment épargné. Le récit prend alors son envol, nous emmenant dans un périple au-dessus d’un vieux continent entièrement recouvert par la forêt. Jusqu’à ce que la réalité et le rêve se rejoignent…

En dépit de sa nature de roman post-apocalyptique, Le Bassin d’Aphrodite se révèle le tome le plus optimiste de la trilogie, si l’on considère que le salut de la planète passe par l’extermination de l’ensemble de l’Humanité. Il est également le volet le plus intime, centré sur le regard de Jonar. Un point de vue entre-coupé par les interventions d’un mystérieux écrivain dont on devine progressivement l’identité. Le roman offre une sorte de rédemption aux survivants, un échantillon idéalisé, prônant un retour à un Eden originel, débarrassé de ses pollutions religieuses, politiques et économiques. Une solution pour le moins radicale que d’aucuns trouveront sans doute trop nihiliste.

Malgré cela, on ne peut s’empêcher de penser que Gert Nygårdshaug trouve ici une conclusion idéale, empreinte d’une touche de féminisme (si si !). Bref, vous savez ce qu’il vous reste à faire.

Laurent LELEU

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