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Les critiques de Bifrost

Le Bord du monde est vertical

Le Bord du monde est vertical

Simon PARCOT
LE MOT ET LE RESTE
160pp - 18,00 €

Bifrost n° 109

Critique parue en janvier 2023 dans Bifrost n° 109

Dans la Vallée des glaces, la Cordée est bien connue de tous. Deux chiens, leur maîtresse et trois hommes pour l'épauler, prêts à sortir par tout temps pour porter secours ou réparer la ligne électrique, ligne de vie entre la Ville et les hameaux montagnards nichés dans les creux du relief, au pied de la Grande, ce monstre minéral dont la cime inviolée apparaît comme un bout du monde vertical. Le sommet occupe les nuits et les jours de Gaspard, le chef de la Cordée, depuis qu'il a échoué à son ascension à six reprises. Il nourrit pourtant toujours le secret espoir de franchir l'ultime obstacle qui s'oppose à son escalade. Avec le secours de Solal, le gamin, l'aide-traîneau prometteur, en suivant les conseils du père Salomon, un mystique inspiré par le brûle-gorge et sa connaissance de la montagne, c'est sûr, il s'affranchira bientôt du corridor de gel qui s'oppose à sa progression. Armé de ses crampons, de son piolet et de son casque, il atteindra ce cap mythique, embrassant du regard la vastitude de la création car il sait que la véritable ascension est intérieure.

Plus connu pour ses essais et témoignages dédiés à la musique, l'esthétique et les sciences humaines, Le Mot et le Reste ne rechigne pas à publier de temps en temps de la poésie et de la littérature. Premier (court) roman de Simon Parcot, Le Bord du monde est vertical évolue en zone grise, sur une ligne de crête entre imaginaire et récit initiatique, puisant son inspiration dans l'escapisme. Un peu Frison-Roche, un peu Damasio, l'amateur y trouvera de quoi nourrir sa soif d'absolu. Dans un paysage réduit à une épure, neige et glace mêlées, un blanc sur blanc aveuglant, Gaspard et Solal cheminent avec en ligne de mire un trophée en forme de masse rocheuse. Les parois vertigineuses balayées par le blizzard, les moraines branlantes, les crevasses et les séracs ne sont que de maigres obstacles à surmonter face au désir d'élévation de Gaspard. Avec un art de la métaphore et un lyrisme appuyé, Simon Parcot propose finalement un voyage au centre de la tête d'un individu obsédé par sa quête. Un récit en forme de philosophie de vie, où l'adrénaline et l'excès confèrent à la vie davantage de saveur, mais dont l'absurdité n'est pas sans évoquer ces conquérants de l'impossible dont les exploits échappent à l'entendement du commun des mortels.

Entre quête d'absolu et folie, Le Bord du monde est vertical ne dépare donc pas parmi les textes où l'Imaginaire est plus un prétexte que le véritable moteur du récit.

Laurent LELEU

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