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Les critiques de Bifrost

Le Bûcher des immortels

Le Bûcher des immortels

Jonathan CARROLL
FLAMMARION
308pp - 15,85 €

Bifrost n° 23

Critique parue en juillet 2001 dans Bifrost n° 23

Jonathan Carroll est un auteur unique, à la voix originale. Il le prouve, une fois de plus, avec ce roman fantastique déconcertant, profond et chaleureux.

 La première partie est des plus classiques : la vieille dame qu'est devenue Miranda Romanac, dénicheuse de livres rares, entreprend de narrer les moments marquants de sa vie. Elle noue une amitié avec une excentrique et riche centenaire, a une liaison avec un marchand d'art, Hugh Oakley, qui finit par quitter sa femme et ses enfants pour vivre avec elle. Sur plus de cent cinquante pages, Jonathan Carroll livre les tranches de vie, parfois sans importance, d'une existence somme toute banale, sans cependant lasser son lecteur grâce à la magie de son écriture. Jusqu'à ce que Miranda, à l'aube de son bonheur tout neuf, se réveille à côté de Hugh, mort.

Commence alors le cauchemar. Témoin de phénomènes étranges, Miranda croise, au hasard de son errance, les fantômes de son passé et ceux de son avenir, de ses avenirs même, puisqu'elle assiste à des scènes appartenant à différentes trames possibles, de ses passés également, puisqu'elle prend connaissance de ses vies antérieures aux destins parfois prématurément brisés. La réalité se délite : chaque rencontre devient la manifestation d'un au-delà qui cherche à l'éprouver ou à lui fournir des indices pour lui permettre de comprendre… quoi ? Qu'elle est une immortelle mais ne mérite pas ce don ? Pourquoi ? Que doit-elle trouver en elle ?

Carroll exploite à travers cette quête le thème du vampirisme, qui devient celui de l'égoïsme. Nous sommes tous, parfois, des vampires comme Miranda, qui utilisons les gens sans nous en rendre compte, prenant ce qu'ils nous donnent et offrant en échange ce qui nous coûte ou nous importe peu. Comme eux, nous sommes tous immortels dans la mesure où nous sommes capables de transmettre la vie, ou quelque chose d'essentiel, à autrui. Mais à quoi sert cette immortalité si notre existence est dénuée de sens ?

La réponse, qui nous concerne tous, est dans les pages de ce récit où les ombres contiennent autant de parts de vérité que les zones de lumière. C'est autour de cette quête que Carroll construit son livre, magistralement, avec le style dense et concis qui est le sien, et auquel il est difficile de résister. Un roman impressionnant de maîtrise.

Claude ECKEN

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