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Les critiques de Bifrost

Critique parue en avril 2024 dans Bifrost n° 114

Repérée dès son plus jeune âge pour ses compétences prometteuses, Kathryn Telman a été extraite de son milieu populaire pour recevoir l’éducation qui lui faisait  défaut  jusque-là. Prenant le patronyme de sa famille adoptive, l’une des plus réputées du Business, cette entité commerciale et capitaliste qui, depuis au moins l’Empire romain, a su saisir et exploiter les opportunités économiques d’une Histoire loin d’être vertueuse et pacifique. Kate est devenue l’un des cadres supérieurs les plus redoutés et libres de l’organisation, partageant son existence entre ses missions et un vieil oncle, un tantinet libidineux, aimant trop les voitures de sport pour sa propre sécurité. Pourtant, si sa réussite professionnelle ne fait aucun doute, le bonheur sentimental lui échappe toujours, verrouillé par les principes trop stricts de l’élu de son cœur, déjà marié et fidèle en amour. Mais, pas le temps de se morfondre. Le Business a besoin d’elle, notamment pour sa relation privilégiée avec le prince Suvinder, dont les arrière-pensées sont tout sauf géopolitiques. Le potentat bedonnant troquerait bien, en effet, les cimes de son État himalayen natal contre les courbes aguicheuses de l’intelligent executive woman, permettant ainsi au Business d’acquérir un siège à l’ONU.

Après Un chant de pierre, son précédent roman non SF, Iain Banks a voulu raconter une histoire plus légère, non dépourvue d’humour et d’une once de romance. Hélas, s’il ne s’est guère écarté de cette ligne directrice, force est de constater qu’elle l’a contraint à atténuer sa critique du capitalisme mondialisé. Certes, on trouvera quelques belles fulgurances dans Le Business, notamment lors du séjour de Kate chez ce nabab américain amateur d’armes, dont le morceau de bravoure tient tout entier sur l’écran lacéré d’un drive-in transformé en cible de tir pour canon antiaérien. On s’amusera aussi beaucoup des sarcasmes de Kate, décidément trop intelligente pour son bonheur. Quant à la science-fiction, l’amateur devra se contenter de la démesure de Blysecrag, domaine familial dont l’ampleur et l’excentricité conviendrait sans aucun doute à un ressortissant de la Culture. Bref, tout ceci reste très sage, voire bénin et nonchalant, en dépit d’un embryon de suspense et de quelques dilemmes sentimentaux. Mais même mineur, un roman de Iain Banks reste plaisant et savoureux.

Laurent LELEU

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