AYERDHAL
AU DIABLE VAUVERT
364pp - 18,00 €
Critique parue en avril 2025 dans Bifrost n° 118
Paru originellement en 1992 au Fleuve Noir sous la forme de deux volumes, Le Chant du Drille prend place dans l’univers de l’Homéocratie, cycle aux contours flous abordé par l’auteur au fil de ses romans.
Le Drille du titre est une sorte de lémurien, natif de la planète sylvestre Taheni, qui se caractérise par un chant ravissant émis chaque matin à l’aube, et qui a été qualifié d’espèce non-intelligente par la première expédition humaine. Dommage pour lui. Le souci est que les drilles se laissent désormais mourir en masse, à l’orée des villes et villages. Au point que la survie de l’espèce est maintenant menacée. Un triste état de fait qui a pour cause les humains, Taheni ayant été ouverte à la colonisation et à l’exploitation quelques décennies plus tôt. Vernang Lyphine, écrivain fantasque, appartenait à la première expédition. Lisant a posteriori ses comptes rendus, l’inspectrice générale des colonies Lodève Dallelia obtient de la fédération homéocrate l’autorisation de se rendre sur Taheni afin de tirer tout cela au clair. Sauf que Lyphine a disparu dix ans auparavant dans des circonstances troubles. Tout le monde soupçonne son décès, personne n’en a la certitude. Au fil de ses rencontres avec les colons, Lodève a pourtant l’impression que l’écrivain continue de tirer les ficelles, dans le but de sauver les drilles. Des drilles dont le chant a commencé à muter : c’est dorénavant un chant de mort… Lodève a conscience que le mystère entourant la disparition de Lyphine a un lien avec la nature du drille. Mais quel est-il ? Et le découvrira-t-elle avant qu’il soit trop tard ?
Tout à la fois planet opera et polar, Le Chant du Drille est mené tambour battant. L’auteur tire à boulets rouges sur le colonialisme, l’exploitation forcenée de la nature — un discours altermondialiste sans naïveté. On pourra regretter qu’Ayerdhal n’ait pas davantage pris son temps pour typer davantage encore Tehani ; on pourra estimer que l’intrigue, comme souvent dans les premiers romans de l’auteur, s’avère un rien confuse pour son propre bien. Qu’importe : la force de conviction qui sous-tend le récit et ses personnages entiers emportent l’adhésion.