Gerard GUIX
AUX FORGES DE VULCAIN
176pp - 18,00 €
Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97
Futur indéterminé. Espagne, peut-être. Montée des eaux, surpopulation et retombées nucléaires (!) ont rendu les terres (arables sans doute) rares. Si rares qu’il est devenu interdit d’enterrer les défunts et que tous les cimetières ont été récupérés – à l’exception d’un cimetière-musée par district, conservé à titre historique. Mais quand la mère d’Isobel meurt, la jeune femme ne peut se résoudre à la condamner post-mortem à l’incinération et à l’intégration mémorielle dans l’un de ces cimetières virtuels que fournit l’État. Alors, sur les conseils d’un médecin ami, elle se rend dans un cimetière-musée rural pour tenter d’y inhumer sa mère. Clandestinement. Car la loi est claire et durement appliquée. Il faut dire que la société dans laquelle vit Isobel est une dictature, pas moins. Gestion autoritaire des morts, écrans d’informations omniprésents, culture sous le rideau, mise au ban des livres papiers, « vaporisation » des contrevenants. Il y eut même une Grande Purge et il y a un XVIIIe Führer et une loi Lebensraum. Diantre ! Perpétuant une tradition familiale de résistance à l’oppression, Isobel se met en grand danger. Travis, le gardien du cimetière dans lequel elle prévoit d’inhumer sa mère, l’aidera-t-elle ou la dénoncera-t-elle ? Et, surtout, que feront ces deux solitaires de la tension érotique qui naît entre eux dès le premier regard ?
Lisant cette dernière phrase, on touche là au cœur du problème de ce court roman catalan. Mix peu subtil de Fahrenheit 451, des Androïdes rêvent-ils de moutons électriques et de 1984 mâtiné de surpopulation à la Soleil Vert, Le Cimetière, stylistiquement assez imparfait – dans les dialogues, notamment –, échoue à créer l’angoisse lorsqu’il tente de le faire et offre une présentation caricaturale du cinéma d’horreur indigne d’un auteur qui, ici, se réclame de l’Imaginaire ; sans compter un twist qu’on voit venir de l’autre bout du livre. Mais surtout, surtout, Le Cimetière place le lecteur dans la situation d’un otage involontaire de roman Harlequin. Une litanie de phrases finalement hilarantes – mais était-ce le but ? — racontent les émois d’Isobel et la folie des sens qui s’empare des deux seuls protagonistes vivants du récit ; c’est si mièvre que j’ai dû aller vérifier l’âge de l’auteur. Impossible de retenir autre chose de ce texte, d’autant que les banalités résistantialistes qu’il enfile comme des perles sur un collier ne sont guère transcendantes ; si les Catalans n’ont que cette bouillie indigente à se mettre sous la dent, craignons pour eux qu’ils succombent au crétinisme avant d’atteindre l’indépendance.