Sous la livrée noire, blanche et rouge de ce livre, se trouve une excellente surprise à laquelle il est difficile de rendre justice avec un bête résumé. Essayons tout de même.
Le Cirque des rêves (en français dans la VO), c’est ce cirque itinérant qui va de ville en ville sans que l’on sache quelle sera sa prochaine destination. Un jour, il n’est pas là ; le jour suivant, voilà dressés ses chapiteaux noirs et blancs, sous lesquels sont montrés les numéros les plus étonnants et les plus merveilleux de cette fin de XIXe siècle. Les spectateurs éblouis ignorent bien sûr tout du duel qui a lieu dans ce cirque. En 1875, deux magiciens se sont lancé un défi. L’un vit de son métier d’illusionniste — tout son art consiste à faire croire qu’aucune magie n’est en jeu —, tandis que l’autre se complaît dans l’anonymat et la grisaille. Tous deux possèdent leur champion : pour l’un, c’est sa fille, la belle Celia Bowen ; pour l’autre, c’est Marco, cet orphelin surdoué. Celia exerce elle aussi l’illusionnisme au sein du Cirque des rêves, et le suit dans chacun de ses voyages, tandis que, de Londres, Marco conçoit les nouvelles attractions. L’un et l’autre ont connaissance du duel, sans toutefois savoir les conditions de la victoire ni l’identité de leur adversaire. Et fatalement, lorsqu’ils se rencontreront, le coup de foudre ne pourra qu’advenir. Tout autour gravite une faune des plus excentriques — la curieuse équipe à l’origine du Cirque ; la communauté des Rêveurs, ces aficionados du Cirque qui l’accompagnent dans tous ses déplacements ; Bailey, ce garçon un peu lourdaud du Massachussetts, qui se languit de se perdre à nouveau dans les méandres des chapiteaux et qui est appelé à jouer un rôle dans l’avenir du Cirque, peut-être.
Par moments, Le Cirque des rêves évoque Le Prestige de Christopher Priest. Forcément : l’illusionnisme, une rivalité entre deux magiciens, une action se déroulant dans le dernier quart du XIXe siècle. Ce sont bien tous les points communs, car ce premier roman de l’Américaine Erin Morgenstern possède son propre charme, sa propre originalité. Subtil, délicat… magique ? L’histoire se développe par petites touches alternant entre présent et futur, si bien que le dessein d’ensemble ne se forme pas immédiatement et se laisse découvrir au fil des pages. Aucun sortilège n’est, a priori, impliqué pour expliquer la difficulté que l’on a à lâcher le livre une fois celui-ci entamé : il y a juste le talent de son auteure, dont l’écriture distanciée se révèle, il faut bien le dire, envoûtante.
Si Le Cirque des rêves se trouve, dans les étals des librairies, rangé du côté de la littérature jeunesse/young adult, les plus grands feraient bien de ne pas se priver de sa lecture sous ce prétexte. Gageons qu’ils y rateraient un excellent moment.