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Les critiques de Bifrost

Le Club Aegolius

Lauren OWEN
ACTES SUD
560pp - 25,00 €

Critique parue en octobre 2021 dans Bifrost n° 104

Premier roman de Lauren Owen, Le Club Aegolius renoue avec une tradition anglo-saxonne remontant au moins à Sheridan Le Fanu : le roman gothique vampirique. Ici, contrairement à Dracula, le vampire ne vient pas du continent pour envahir la Grande-Bretagne. Il est au contraire bien implanté dans le Londres de l’époque victorienne et se cache soit dans la bonne société, via le club Aegolius qui donne son titre au roman, soit dans les franges les plus pauvres de la ville, comme le quartier de Whitechapel rendu célèbre par un certain Jack l’Éventreur. Dans ce livre, celui-ci a d’ailleurs un émule : le Docteur Couteau.

Comme beaucoup de romans gothiques anglais, Le Club Aegolius s’attache à la destinée de deux membres de la bonne société rurale : James Norbury et sa sœur Catherine, devenus orphelins assez jeunes, mais avec suffisamment d’argent pour être rentier et ne pas courir à tout prix après un mariage prospère. Suite à des études classiques, James monte à la capitale, se rêvant poète. Las, il y fera d’étranges rencontres et disparaît de la circulation. Folle d’inquiétude, sa sœur aînée part à sa recherche et découvre l’envers sanglant de la métropole.

Comme ses modèles, Le Club Aegolius part loin dans le passé et prend son temps pour installer la situation. Jusqu’au premier sang, le livre pourrait être un roman classique avec la découverte d’une passion entre deux hommes que tout oppose dans une époque victorienne peu propice à de tels rapprochements. Il faut attendre plus d’une centaine de pages pour un aperçu d’une créature hématophage, et il en faudra encore bien d’autres avant que celles-ci ne soient clairement identifiées pour le lecteur (et bien plus pour Catherine). Reprenant les trucs de ses illustres aînés, l’autrice saute d’un narrateur à l’autre, change de registre (d’un récit classique à des extraits de journaux intimes par exemple) et fait des allers-retours temporels. Original dans son traitement des vampires et de leurs particularités, que celles-ci soient issues de la tradition ou aient des liens avec leur condition de mort-vivant, Le Club Aegolius séduit aussi par son traitement moderne des personnages, loin des clichés à la Jane Austen. Ainsi, Catherine Norbury n’est pas une frêle débutante, mais une trentenaire célibataire convaincue d’avoir fait une croix sur sa vie sentimentale, et qui s’embarrasse donc peu du qu’en-dira-t-on pour retrouver son frère. Le milliardaire américain, équivalent de Quincey Morris chez Bram Stoker, n’est pas en mission de séduction ; confronté lui aussi à ces créatures, il s’avère davantage un allié qu’un protecteur de Catherine.

Las, Lauren Owen n’échappe pas non plus au travers du genre : ses longueurs et une conclusion comptant une cinquantaine de pages de trop. Reste un récit qui renouvelle non sans talent la figure classique du vampire, le sortant de l’ornière de la bit-lit ou du gore à tout prix.

Bruno PARA

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