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Les critiques de Bifrost

Le Club des punks contre l'apocalypse zombie

Le Club des punks contre l'apocalypse zombie

Karim BERROUKA
ACTUSF
416pp - 18,00 €

Bifrost n° 84

Critique parue en octobre 2016 dans Bifrost n° 84

Est-il besoin de rappeler que Karim Berrouka fut, au siècle dernier et un peu au-delà, le chanteur de Ludwig Von 88, vénérable groupe français au son duquel les plus chenus de la Bifrost Team pogotèrent jadis ? On ne s’étonnera donc guère qu’il ait choisi pour son nouveau roman de mettre en scène une population qu’il connait bien, soit une bande de punks anarchistes et squatteurs, et de les confronter à une apocalypse zombie. D’où le titre, ou à peu près.

Des innombrables fins du monde mortes-vivantes qu’il nous est donné à lire actuellement, celle-ci est certainement l’une des plus distrayantes et des moins effrayantes. En premier lieu parce que l’auteur ne semble guère goûter les excès gores de certains de ses confrères. Les diverses éviscérations et autres scènes de cannibalisme collectif, quand elles ont lieu, ont le bon goût de se dérouler hors-champ. Surtout, on a beau assister en direct à l’effondrement de la civilisation, l’ambiance demeure étonnamment légère. Outre l’écriture goguenarde de Berrouka, on doit également cette impression à la galerie de personnages qu’il met en scène, punks à chiens ou militants anarchistes, tous plus ou moins perchés. De leur point de vue, le monde qui les entoure apparait certes hostile, mais jamais au point de les amener à renoncer à quelques coups d’éclats aussi futiles que magnifiques, qu’il s’agisse d’aller planter un drapeau noir au sommet de la Tour Eiffel ou de visiter les locaux de France Télévisions afin de remplacer l’épisode d’Histoires naturelles diffusé en boucle par un best of de vidéos punks.

Karim Berrouka incorpore en permanence des éléments inattendus dans son récit, y compris dans le comportement de ses zombies, que l’on découvre tour à tour téléphages, mélomanes, voire, pour certains d’entre eux, doués d’un embryon d’intelligence. Et comme souvent dans ce genre d’histoire, les morts-vivants ne sont finalement pas la pire menace à laquelle devront faire face les héros. D’autres individus entendent bien profiter du chaos ambiant pour asseoir leur domination sur ce qu’il reste de l’humanité. À partir de là, en opposant les vestiges de l’ancien monde ultra-libéral à une tentative d’utopie anarchiste autogérée, le roman prend une tonalité plus politique, sans jamais se départir de ses accents de comédie. Plus étonnant, le récit nous offre à l’occasion quelques séquences mystico-délirantes, tout à fait incongrues dans un tel contexte, et qui pourtant vont progressivement entrainer cette histoire dans une direction des plus inattendues.

Par son ton décalé et son ironie permanente, ses personnages de marginaux attachants, sa manière de mettre en scène un avenir pas franchement rose sans se laisser un seul instant aller au désespoir, son sous-texte politique plus engagé qu’il n’y parait et ses hallucinations mystiques nourries à la série Z et aux drogues lysergiques, l’œuvre de Karim Berrouka en rappelle une autre, celle de Roland C. Wagner, en particulier sa série des « Futurs Mystères de Paris ». Une filiation qui finit de nous rendre Le Club des punks contre l’apocalypse zombie excessivement sympathique*.

* Notre collaborateur ayant rédigé sa critique à l’écoute de « Houlala » et « Houlala 2 : la Mission », une Kro dans une main, une Kanterbräu dans l’autre, il s’excuse pour les taches et les fautes de frappe.[NdRC]

Philippe BOULIER

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