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Les critiques de Bifrost

Le Coffret des abîmes

Le Coffret des abîmes

Michel PAGEL, Francis STEVENS
MARIE BARBIER
168pp - 14,00 €

Bifrost n° 97

Critique parue en janvier 2020 dans Bifrost n° 97

Un antiquaire a vendu au richissime propriétaire d’usine Jesse Robinson un coffret à bijoux que contenait un bloc de lave verte ramassé sur une île temporairement apparue à la faveur d’une éruption sous-marine. Le marin à l’origine de la découverte tente bientôt de retrouver l’acheteur pour l’informer de la menace qui pourrait peser sur lui. Terrassé par ce qui ressemble à une attaque, Robinson est soigné par le docteur Vanavan, appelé au chevet du vieil homme par sa nièce Leilah. Médecin qui demeure au domicile durant les quelques jours où son patient, en proie à des fièvres délirantes, évoque des rêves qu’il s’agit de décrypter, notamment un cheval blanc à la gorge rouge et une forme remontant d’une eau verte bouillonnante. Le plus étrange est que Leilah et Vanavan, comme l’antiquaire et le marin à l’origine de la vente, subissent des cauchemars identiques. Ces deux derniers finissent même par disparaître dans des circonstances tragiques. Quelque chose cherche à récupérer le coffret.

Comprendre et contrer la menace venue du fond des âges entraîne le trio dans une aventure maritime au bout du monde. À la fois enquête mythologique et combat contre des forces maléfiques émaillé d’enlèvements et de courses contre la montre, ce court roman ne manque pas de charme ni d’intérêt. Il y a du Jean Ray dans la narration alerte, sans temps mort, et du Lovecraft dans l’évocation d’un archange des abysses. Le plus surprenant est que ce texte, qu’on peut rattacher à la dark fantasy, est paru en 1920, soit un an après la première publication professionnelle de Lovecraft ( « Dagon ») et qu’il n’a pas pris une ride, se révélant même très moderne dans sa conception. Encore plus fort : comme l’explique l’émérite traducteur et auteur dans sa préface, derrière le pseudonyme de Francis Stevens se cache une femme, Gertrude Barrows, épouse d’un journaliste et explorateur lui-même disparu au cours d’une chasse au trésor, qui a commencé sa carrière littéraire en 1917 avec un court roman, Le Cauchemar, déjà situé dans une veine horrifique. Elle a aussi écrit de la science-fiction, et il est regrettable qu’elle ait été si peu traduite en France (trois textes exhumés par Jacques Sadoul dans Les Meilleurs Récits de Famous Fantastic Mysteries chez J’ai Lu, par Jean-Pierre Moumon dans Antarès, et par Richard D. Nolane dans Wendigo), alors qu’elle est considérée comme une pionnière dans sa patrie.

Dans le registre de la littérature populaire, Le Coffret des abîmes, outre une indéniable curiosité, est donc une agréable surprise qui devrait inciter les éditeurs soucieux de patrimoine à tirer Francis Stevens de l’oubli.

Claude ECKEN

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