Traduit en plusieurs langues (dont l'anglais), publié dans plus de vingt pays, Jean-Christophe Grangé est un phénomène de l'édition française. Après quatre romans, un film tourné, deux en production, il était grand temps de s'intéresser à cet auteur qui explose littéralement les limites du thriller (mais, contrairement à Dantec, en intégrant des thèmes S-F à sa trame principale et non en les désintégrant). Le Vol des cigognes et Les Rivières pourpres flirtaient ouvertement avec la science-fiction, du moins avec des sujets classiques de la S-F (eugénisme, expérimentations génétiques, dérives scientifiques), Le Concile de pierre s'y jette des deux pieds pour un grand plouf où se mêlent chamanisme sibérien, pouvoirs parapsychologiques, psychanalyse jungienne, hypnose et expériences nucléaires russes ultrasecrètes.
L'histoire commence avec Diane Thiberge, fan de Frankies Goes to Hollywood, championne de boxe shaolin. Elle désire être mère. Parce qu'elle a été victime à l'adolescence d'une agression sauvage qui l'empêche d'avoir tout rapport sexuel avec un homme, ou même d'y penser sans avoir envie de vomir, Diane a choisi la voie de l'adoption. La voilà donc en Thaïlande, au terme de son parcours de « célibattante » (difficile d'adopter quand on vit seul). Là, à la frontière avec le Myanmar (ex-Birmanie), elle récupère un enfant d'un âge indéterminé qui prononce souvent les deux mots « Lu Sian » et qui n'a guère la morphologie asiatique, à l'exception de ses yeux bridés. L'enfant, prénommé Lucien sans autre forme de procès, se révèle craintif, mais attachant. Trois semaines après leur retour en France, Diane et son fils ont un terrible accident de voiture sur le périphérique, à la suite d'une soirée en famille. Lucien est dans un coma profond. Alors que la médecine occidentale baisse les bras, un médecin allemand se propose de soigner l'enfant en utilisant l'acupuncture. Lucien répond positivement au traitement, mais Diane n'aura pas l'occasion de remercier son sauveur germanique ; il a été assassiné d'une façon très étrange. Quelqu'un lui a enfoncé son poing dans les viscères pour lui tordre l'aorte et lui faire littéralement exploser le cœur. Bouleversée par cette nouvelle, Diane se renseigne un peu plus sur Lucien, puis sur les conditions précises de son accident de voiture. Elle découvre alors que l'accident n'en était pas un et que quelqu'un veut tuer son fils adoptif issu d'un peuple — les Tsévens — que l'on disait pourtant exterminé par les Russes durant la guerre froide.
Pour découvrir toute la vérité sur cette affaire, Diane devra se rendre en Mongolie, à la frontière avec la Russie, dans un complexe ultrasecret où a été tenté, sans succès, une expérience de fusion du tritium. Là, l'animal et l'esprit ne font qu'un ; là, tout a commencé et tout s'expliquera. Probablement dans le sang versé.
Malgré quelques passages invraisemblables (attitude non-professionnelle d'un lieutenant de police, survie de l'héroïne face à trois mercenaires surentraînés) et des explications parfois plus tirées par les cheveux qu'un clip des Sex Pistols, ce bouquin se dévore, page après page, chapitre après chapitre. Grangé est un illusionniste, il utilise son écriture efficace, souvent pyrotechnique, pour masquer les lacunes et les petites erreurs logiques de son scénario. Dans les scènes d'action son style épuré (qui doit beaucoup à son expérience de grand reporter) devient d'une précision redoutable. Le Concile de pierre est un thriller pour la plage ou les longues soirées d'hiver, un thriller qui n'a pas le défaut de ses monstrueux concurrents américains dilués à n'en plus finir. Un bon livre pour découvrir l'auteur surdoué des Rivières pourpres.