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Les critiques de Bifrost

Critique parue en juillet 2009 dans Bifrost n° 55

Roger Zelazny a co-écrit un certain nombre de romans avec d’autres auteurs, mais Le Concours du millénaire se distingue en deux points essentiels : d’abord il a été écrit en collaboration avec un autre grand de la S-F américaine, Robert Sheckley, connu pour son humour dévastateur, ensuite les deux compères nous livrent ici une trilogie — et il est plutôt rare de voir un duo prolonger son travail sur plus de mille pages.
Le démon Azzie, coincé en Enfer, a des rêves de grandeur, de gloire et de puissance. Un jour, l’occasion de revenir à la surface de la Terre et de se faire remarquer par ses supérieurs se présente à lui sous la forme d’une âme descendue trop tôt. C’est en effet le début du grand concours entre le Bien et le Mal, concours qui a lieu tous les millénaires et qui décidera du sort de l’humanité pour les mille ans à venir. Azzie va tout faire pour être désigné comme champion du mal, jusqu’à s’inspirer d’un classique des contes de fées : La Belle au bois dormant. Mais tout ne se passera évidemment pas comme prévu…
Au cours des trois volets de l’histoire d’Azzie, Zelazny et Sheckley revisitent allègrement l’univers des contes de notre enfance, du panthéon biblique, des légendes grecques, nordiques, et j’en passe… Anges, démons, dieux de l’Olympe, elfes, nains, tous se mélangent au cours de ces trois histoires, chacune revenant sur un des mythes majeurs de l’imaginaire occidental : La Belle au bois dormant, le mythe de Faust et pour finir celui d’Adam et Ève (mâtiné de Chaucer). On retrouve donc les « piliers » de l’œuvre zelaznienne — les mythes fondateurs de l’humanité, le manichéisme, l’être humain confronté aux pouvoirs des dieux —, mais des piliers ici passés au crible de l’humour acéré de Sheckley. Critique de la société américaine, de la religion, de la vanité des hommes : nul n’est épargné. On reconnaît la patte de l’auteur de La Dimension des miracles au travers de chapitres courts, nerveux, où les personnages se retrouvent coincés dans des situations absurdes qui permettent à Sheckley de développer son sens de la satire et de l’humour noir.
Dire que ce livre est un incontournable dans l’œuvre de l’un ou l’autre (Zelazny ou de Sheckley) serait certes exagéré, mais l’association s’avère malgré tout probante. Du fait de la succession rapide des chapitres, des coups de théâtre, du caractère attachant des personnages (Azzie en premier lieu, mais aussi Ylith, ancienne sorcière et maîtresse d’Azzie qui se convertit au Bien, ou encore Babriel, ange aux longs cheveux blonds profondément stupide), on ne s’ennuie jamais au cours de ces trois histoires que l’on parcourt avec le sourire au coin des lèvres.
Reste donc une trilogie idéale pour se changer les idées, une satire légère et drôle des contes et légendes européens et de notre société… si parfaite. C’est aussi l’occasion de voir deux grands auteurs entrecroiser des œuvres à priori inconciliables… et pourtant…

Christophe FALGAYRAS

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