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Les critiques de Bifrost

Le Courage de l'arbre

Léafar IZEN
ALBIN MICHEL
416pp - 21,90 €

Critique parue en juillet 2022 dans Bifrost n° 107

Énième conte philosophique sur les dangers de l’hyperconnexion ? Space opera picares­que avec une fuite en avant de son héroïne, Thyra, pour avoir refusé de commettre un meur­tre ? Ou ouvrage de propagande pour un nouveau parti réellement écologique encore à inventer ? Suivant les sensibilités de chacun, Le Courage de l’arbre pourra être un peu de tout ça. En y ajoutant un bon gros pensum en début de récit pour assimiler les concepts propres au monde futuriste imaginé par Léafar Izen et assené avec la finesse d’un cours de sciences économiques et sociales un lundi matin dès 8 h. Le premier tiers du roman est là pour vous expliquer en effet ce qu’est l’Égrégore, le Phytoïde de Katz et les autres particularités dans laquelle vit l’Hu­manité ayant conquis l’espace il y a près de 160 000 ans de cela. L’Égrégore est un réseau de communication permettant de relier les humains entre eux sans problème de distance numérique – imaginez un métavers télépathique remplis de jumeaux numériques des individus, toujours mis à jour de leurs sentiments, de leur savoir et de leurs mémoi­res, et capables d’interagir avec d’autres jumeaux individuels dont les corps sont à des années-lumière de là et ne pourront jamais, physiquement, se rencontrer (ou presque). Les individus peuvent choisir de façon temporaire ou définitive de se couper de cet Égrégore, mais cela revient à vivre de manière primitive et, en pratique, à se couper du reste de l’Humanité (dont la sphère d’influence est elle aussi baptisée Égrégore). Le Phytoïde de Katz est une création – ou une créature ? – extraterrestre à mi-chemin entre le minéral et le végétal capable de transformer presque n’importe quel terrain en lieu propice à la vie. Chaque phytoïde se présente sous la forme d’un arbre à double hélice (ou d’un brin d’ADN, géant si vous ne l’avez pas encore compris). Plantez-le sur n’importe quel bout solide flottant dans l’espace, et hop : il vous fournira oxygène, eau, nutriment et tout ce qu’il faut pour terraformer l’endroit en quelques siècles et y permettre l’installation de formes de vie terriennes à ses pieds.

Ajoutez à ça des considérations techniques sur les déplacements spatiaux, la difficulté de réaliser sa thèse en distanciel avec communication télépathi­que avec son directeur, et une bonne dose d’anthropologie sur ces « bons sauvages » qui ont rejeté volontairement la technologie, et vous aurez un début de roman assez roboratif. La suite s’avère plus classique, mê­me si les rebondissements sont assez diversifiés et que le retournement final peut remettre en question tout le reste, à la manière du « Je vois des gens qui sont morts » de Sixième Sens. Léafar Izen parsème d’ail­leurs son récit d’allusions à la pop culture (surtout issues de l’Imaginaire) et aux religions. Ce qui achèvera de séduire ceux et celles qui ont accepté de se laisser embarquer dans cet univers, mais qui risquera d’agacer ceux que le professeur Izen n’aura pas su accrocher dès le début, et qui somnolent au fond des pages en cherchant où les mènera l’intrigue. Le Courage de l’ar­bre a tout pour devenir culte pour certains ; pour d’autres, ce sera un énième pensum au paysage plus diversifié que La Horde du contrevent.

Stéphanie CHAPTAL

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