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Les critiques de Bifrost

Le Démon de Malkirk

Le Démon de Malkirk

Charles SHEFFIELD, Richard D. NOLANE, Michèle VALENCIA
TERRE DE BRUME
18,25 €

Bifrost n° 33

Critique parue en janvier 2004 dans Bifrost n° 33

Je n'aime pas les quatrièmes de couverture… Il ne faut jamais leur faire confiance. Pas plus qu'aux critiques littéraires : vous êtes bien placés pour le savoir.

Dans le cas du Démon de Malkirk, de Charles Sheffield, je m'étais laissé dire qu'il y avait là un style holmesien, pour trois nouvelles à la limite du surnaturel. Miam ! Miam ! Le bonheur : j'adore Shelock Holmes, et tout le style policier qui s'en inspire, même les feuilletons un peu « has been » du XIXe… Je me plonge donc avec délectation dans le recueil, persuadée du bonheur qui m'attend. Joie : je vais pouvoir dire du bien d'un genre de SF que j'aime. Je suis tombée de haut. N'est pas Sir Arthur Conan Doyle qui veut.

Charles Sheffield (disparu en novembre 2002), surtout connu pour ses récits de hard science, est plus convaincant dans l'introduction et l'appendice — excellent, en ce qui concerne ce dernier — qu'il ne l'est dans les nouvelles ici proposées. C'est peut-être cruel, mais c'est vrai. On retrouve une pseudo-ambiance de roman policier, avec des personnages typés : le médecin Erasmus Darwin (grand père du célèbre naturaliste Charles…), son acolyte le colonel Pole (qui évoque l'irremplaçable Shatterwhaite de Poirot chez Agatha Christie), le monstre marin, la femme hallucinée, le prétendant au trône rejeté, le chercheur fou penché sur l'Alchimie…. Mais rien ne séduit vraiment. L'auteur, pour se conformer à la psychologie de son héros, « un médecin, un inventeur, un philosophe, un poète, bref, tout excepté un chrétien » (p. 87) cherche à donner une explication rationnelle à tous les événements de ses intrigues. Résultat : la faille entre le surnaturel affirmé dès les titres de chacune des nouvelles et assumé dans les deux premiers tiers, et la logique froide de l'explication ultime, est mal comblée. On tombe souvent dans la naïveté, voire dans le franchement « tiré par les cheveux » pour parvenir à exclure l'irrationnel des événements racontés.

Finalement, il y a dans ces textes quelque chose de très « scolaire » : le héros parfait, en avance sur son temps, bedonnant et sympathique, à l'intelligence supérieure, autour duquel le monde entier semble tourner… On a beau être dans le registre du presque pastiche, c'est souvent trop — on se surprend à douter du bien-fondé de la comparaison entre ces textes, sympathiques au demeurant, et les œuvres de Doyle, si ce n'est les brumes du décor anglais.

Enfin si le livre en lui-même est un fort bel objet (soulignons la séduisante couverture d'Eric Scala), les coquilles qui émaillent le texte n'en sont que plus irritantes… Bref, tout concourt à ce sentiment de déception : on aurait tellement aimé que ce soit bien… Ce Démon de Malkirk n'est pas le meilleur Sheffield que vous lirez jamais, et c'est bien dommage. Ça se lit, certes, mais sans plus.

Sylvie BURIGANA

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