Tout va mal en Moldavie. Tout va vraiment mal. À tel point que le responsable du SIS – qui a remplacé le KGB depuis la proclamation de l’indépendance – est persuadé qu’Oussama ben Laden se cache quelque part dans la capitale. Il le ferait même au vu et au su de tous, se faisant passer pour le cuistot d’un petit restaurant situé au cœur de Chisinau. Sous la forme d’un improbable inventaire, ajoutons aux policiers alcooliques ex-KGB, des étudiants révolutionnaires, du sexe, des fonctionnaires fainéants, des complots moldaves, de la vodka, un journaliste, des mouchards, des contre-complots américains, des morts, des trahisons, d’antiques caméras de surveillance et bien évidemment des chawarmas. Le voyage que propose Vladimir Lortchenkov est de ceux que l’on fait en souriant, sans jamais savoir si notre rire est noir ou pas. Ses personnages sont tragi-comiques, grotesques et déglingués, tout comme le monde post-soviétique en permanence au bord du chaos qui les entoure. L’intrigue virevolte, rebondit, multiplie les rebondissements, sans jamais reculer devant aucun effet pour construire un étonnant patchwork de personnages qui se perdent dans un imbroglio permanent d’idées, de bêtise et d’alcool. Le non-sens épuise parfois tellement le rythme est intense. On ne sait plus si on se perd à cause de l’intensité des situations toutes plus délirantes les unes que les autres ou si notre propre désarroi participe de l’expérience de la lecture. Car toutes bonnes farces cachent leur part de critique et derrière la bouffonnerie pointe la satire impitoyablement loufoque d’un pays à la dérive. Ne cherchez pas. Si les Monty Python avaient été moldaves, ils auraient signé ce livre.