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Les critiques de Bifrost

Le Dit de Sargas

Régis Antoine JAULIN
MNÉMOS
144pp - 17,50 €

Bifrost n° 70

Critique parue en avril 2013 dans Bifrost n° 70

« Ourobores » est la collection graphique de Mnémos ; y sont publiés des beaux livres soignés qui conjuguent texte et graphisme, comme Kadath, le guide de la cité inconnue (d’après Lovecraft), ou encore La Vallée de l’éternel retour d’Ursula Le Guin. Le Dit de Sargas bénéficie pour sa part des illustrations de Lionel Richerand, manières de gravures représentant les scènes clés du récit ou encore enluminures de chapitres.

Le Dit de Sargas est le premier volume d’un cycle intitulé « Mythes et légendes des Mille-Plateaux » ; cet univers a mûri dans l’imagination de Frédéric Weil, le boss des éditions Mnémos, et Régis Antoine Jaulin. Le Dit de Sargas, écrit par le seul Jaulin, constitue une introduction au monde des Mille-Plateaux, dont il raconte la genèse comme Le Silmarillion raconte celle de la Terre du Milieu. La comparaison s’arrête assez rapidement, car là où le livre de Tolkien était dense et prenait davantage la forme d’un récit historique, Le Dit… relève, comme son titre l’indique, d’ailleurs, de la transmission orale, et pèse à peine ses cent quarante pages. Un homme, Baten-Kaïtos, et un Tyriak (créature repoussante née du crachat d’un dieu), se rencontrent ; le monstre raconte à l’homme comment leur monde a été créé, depuis les Dieux originels et leurs bisbilles, en passant par la création du monde, puis de l’homme, et toutes sortes d’autres étapes fondamentales. Vu le sujet, on aurait pu craindre que l’auteur adopte une forme de déclamation grandiloquente et théâtrale, qu’il aurait été pénible à lire ; il n’en est rien, l’homme et le Tyriak devisent de manière posée, même si le lyrique surgit parfois, et si les antagonismes séculaires entre les deux races perdurent dans plusieurs affrontements verbaux, voire physiques. Jaulin marie ici des légendes anciennes avec un style moderne, et l’équilibre est assez justement trouvé.

L’originalité des Mille-Plateaux, c’est leur inspiration ; loin des canons habituels de la fantasy, c’est l’Inde qui est au centre de cette recréation : on y parle des quatre temps du Monde (Mahasutra, Kâli Yuga, Mandalayana et Kalaripayat), qui rythment le récit. N’étant pas fin connaisseur de la mythologie indienne, je ne sais ce qui, dans ce livre, fait œuvre d’innovation et ce qui appartient aux thèmes classiques de l’Inde ; quoi qu’il en soit, l’Inde en tant que source est suffisamment rare en fantasy pour ne pas bouder son plaisir (1).

De par sa forme narrative, de par ses racines, Le Dit de Sargas fait ainsi preuve d’originalité ; on reste néanmoins sur sa faim car, après tout, il ne s’agit que d’un premier volume narrant la genèse d’un monde. Maintenant que le décor est planté, on attend la suite, et on ne pourra réellement juger de la qualité et l’intérêt de ce livre qu’à l’aune des volets futurs.

 

Note :
1. On renverra le lecteur curieux aux trois volets du « Prince d’Ayodiâ » d’Ashok K. Banker chez Pocket, à propos de fantasy indienne. [NDLR]

Bruno PARA

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