Une archéologue veuve – Sandra – emmène son fils Tom, adolescent autiste, sur un chantier de fouilles au Japon. La découverte est exceptionnelle : révélée inopinément après un tremblement de terre ayant englouti un village, une sorte d’arche mortuaire émerge des profondeurs du temps. Et quels abysses ! Après études, il apparaît que le squelette de l’ Homo sapiens retrouvé sur la proue de la nef immobile aurait plus de 13 millions d’années. Bref, une aberration scientifique pour tous ceux qui accordent du crédit à la théorie de l’évolution et aux données paléontologiques contemporaines.
Nous sommes, semble-t-il, dans les années 2030, et la situation mondiale ne s’est pas améliorée. Le réchauffement climatique et ses conséquences néfastes s’accélèrent ; les peuples de la Terre ont loupé le virage écologique et envisagent sérieusement d’exploiter toujours davantage les ressources disponibles. Que faire face à l’atermoiement des États ? Le fragile travail de l’équipe scientifique menée par Sandra et ses amis d’Oxford peut-il changer la donne ? La catastrophe de cette civilisation perdue est-elle en mesure d’éclairer la situation contemporaine ? Il semble bien que ce qui se révèle peu à peu sous les décombres puisse bouleverser aussi radicalement la science que la société.
Résumé de la sorte, on a envie de creuser avec Sandra. Pourtant, on s’ennuie vite dans ce livre aux effets poétiques trop voyants et trop sucrés. Des fragments de journaux intimes de Sandra à ceux de Tom – qui reprend peu à peu corps au monde –, on a l’impression paradoxale d’entendre toujours la même voix mielleuse et bienveillante, assez prévisible aussi. Paradoxe il y a, en effet, puisque l’auteur multiplie les témoignages et les chroniques (extraits d’entretiens, articles, rapports scientifiques et courriels, notamment) pour tenter de nous embarquer dans cette histoire à partir d’un caléidoscope de perspectives.
Le livre est construit en six parties. La quatrième est, sans doute, la plus réussie. C’est elle qui permet de relancer l’intérêt d’un lecteur parvenu un rien blasé au mitan du récit. Il y est question des conflits qu’entraîne la découverte de cet Homo sapiens sorti du fonds des âges, ainsi que des surprenantes techniques que celui-ci est parvenu à développer en quelques centaines d’années seulement. Ici, le travail d’anticipation fonctionne assez bien – on pourrait même sentir le souffle d’un Egan –, et on cherche avec plaisir les solutions aux problèmes scientifiques, éthiques, politiques et économiques qui sont soulevés par le récit des fouilles. Au-delà, demeurent aussi quelques évocations d’un Japon d’estampes et de traditions, une poignée de métaphores qui mériteront le détour. Cette poésie aurait eu tout son charme si elle était restée à sa place.
Un roman de SF au pitch intéressant, mais à la réalisation quelque peu bancale, en somme.