« Sacrévindieu de fhtagn ! » Et si le rire était plus dangereux pour votre santé mentale que la simple contemplation de l’horreur cosmique ? Alex Nikolavitch, vil rejeton du chaos rampant, tente de répondre à cette question en lançant une expérience grandeur nature sur son lectorat avec Le Dossier Arkham.
Arkham, le 14 décembre 1941. Alertés par des cris inhumains, les officiers de police Thomson et Thompson pénètrent au 66H Parish Lane et y découvrent les restes éparpillés du détective privé Mike Danjer, au milieu d’un monceau de documents. La porte et la fenêtre ayant été fermées de l’intérieur, et malgré les traces de griffes sur le torse de la victime, l’enquête conclut au suicide. Heureusement pour le lecteur, ce mystère en chambre close éveille la curiosité d’un autre policier qui décide d’examiner les centaines de feuillets épars retrouvés chez Danjer. Les éditions Leha ont fait le choix judicieux, tant pour l’esthétique de l’ouvrage que pour l’effet immersif que cela peut avoir, de reproduire en fac-similés ces documents : les notes du détective, des coupures de journaux, des témoignages recueillis, les lettres entre le détective et son employeur. L’ensemble constitue un puzzle pour le lecteur qui est amené à retracer, depuis le 5 juin 1937 jusqu’à ce jour fatidique de 1941, l’enquête menée par Mike Danjer sur la disparition du jeune Kurt Plissen lors d’un voyage de recherche universitaire dans la région de Dunwich.
Vous l’aurez compris dès l’évocation du titre, Alex Nikolavitch promène son lecteur dans les contrées lovecraftiennes et agence son roman autour de l’œuvre d’Howard Phillips Lovecraft, puisant allégrement dans ses écrits et dans ceux des auteurs que le mythe inspira. Mais Alex Nikolavitch le fait avec beaucoup d’humour, enchainant les jeux de mots, des plus désopilants aux plus sournois, ne reculant devant aucune boutade. Ce qui n’empêche nullement l’enquête d’être parfaitement construite et de procurer, en plus des fous rires, le plaisir de se plonger dans une histoire que l’on découvre, indice par indice, à la manière d’un jeu de piste. À l’évidence, Alex Nikolavitch aime profondément l’univers et les ambiances créés par le maître de Providence, et il n’en renie rien. Le monstre se cache au-delà du seuil… de l’humour. C’est un texte très fortement référencé, et le plaisir de sa lecture repose en grande partie sur la connaissance intime que l’on possède (ou pas) du tentaculaire mythe de Cthulhu. C’est peut-être là un aspect qu’on pourrait reprocher à ce roman, puisqu’au-delà des nombreuses pièces qui s’emboitent, la résolution finale du crime ne peut se comprendre que si l’on possède le bagage nécessaire. Le lecteur innocent se trouvera fort dépourvu la dernière page venue. L’amateur à la santé mentale déjà défaillante y trouvera à l’inverse grand plaisir et sacrifiera avec joie ses derniers points de SAN.