Jefferson Nighthawk est, ou plutôt était un chasseur de prime, une machine à tuer répondant au doux nom de Faiseur de Veuves. Pourquoi en parler au passé ? L'histoire est de notoriété publique : Nighthawk, frappé il y un peu plus d'un siècle d'un mal incurable, l'éplasie, s'est de lui-même cryogénisé dans l'attente d'un hypothétique remède. Voilà qui était compter sans la moralité douteuse des puissances de l'Oligarchie, qui vont puiser sans hésitation dans cette matrice, certes très abîmée (l'éplasie provoque une horrible dégénérescence de la peau), mais dont le potentiel, grâce au clonage, est toujours intact. Ainsi assistons-nous au retour de Nighthawk du « pays des congelés », au retour de ses clones, plutôt.
Si Resnick se sert de ce point de départ faisant appel aux derniers développements de l'actualité scientifique, le reste du traitement n'en demeure pas moins extrêmement classique et très proche de celui du premier roman mettant en scène notre héros-éprouvette (Le faiseur de veuves — chez le même éditeur). A ceci près toutefois que Nighthawk II était une copie sans souvenir et donc amputée d'une large partie de ses moyens, ce qui d'ailleurs causa sa perte. Nighthawk III, lui, dispose de toute la mémoire de l'original (par le miracle d'un procédé qui ne nous est d'ailleurs pas expliqué…). Ce détail mis à part, force est de constater combien le défaut majeur du premier tome se retrouve dans le second : une utilisation excessive de dialogues dont certains ne mènent pas à grand-chose et dont la longueur inutile frise le remplissage gratuit.
Le Faiseur de Veuves doit bien sûr accomplir une mission, ce qui lui permettra, lui dit-on, de sauver son « père » de l'éplasie. Pour ce faire, il lui faudra tout de même récupérer un otage et abattre le meneur d'une révolution, le mystérieux et surprotégé Ibn ben Khalid, pas moins. Si l'inexpérience du premier clone le poussait a jouer au solitaire, le savoir de Nighthawk III lui dicte de s'entourer d'une équipe triée sur le volet. Il recrute donc Kinoshita, son entraîneur qui ne peut que constater combien l'élève dépasse le maître, Mélisande, une Balataï douée d'empathie, Zyeux-Bleus, un informateur, et Vendredi, as des explosifs toujours prêt à faire sauter des humains, cette race détestable qui a osé conquérir la moitié de la Galaxie et acheter l'autre. Cette fine équipe, relativement peu soudée, s'enfoncera dans la zone de non-droit et d'anarchie débridée appelée la Frontière. Dans ce schéma emprunté à celui des Sept Mercenaires (les références ne trompent pas, on est en plein western galactique), Nighthawk III devra trouver le ver dans le fruit caché au sein de son équipe.
On le voit, un traitement à la limite du simpliste, tant les personnages semblent tout droit sortis d'un écran de cinéma. Mais cela fait pourtant partie du jeu. Aussi, tout comme devant une projection du Bon, la Brute et le Truand, asseyons-nous dans un fauteuil moelleux et émerveillons-nous devant les exploits de Clint, pardon, Jefferson, qui ne rate jamais sa cible, abat tous les méchants et ne se fait jamais avoir par les coups tordus. Du grand spectacle en somme, pour en prendre plein les yeux à défaut de l'esprit. Rien de plus.