Fabrice COLIN
J'AI LU
288pp - 6,70 €
Critique parue en avril 1999 dans Bifrost n° 13
À Elsnör, le roi Helmer a décidé de défier les dieux d'Asgard. Il capture Haewen, déesse de la nuit, qu'il jure de ne libérer que lorsque sa femme tuée dans d'étranges circonstances, lui sera rendue. Hell, déesse de la mort, n'entend pas céder au chantage d'un humain, et le royaume d'Elsnör s'enfonce dans une nuit perpétuelle tandis qu'Helmer sent le remords grandir en lui, ou plutôt à côté de lui, incarné par une créature sans visage.
Quelques décennies royaume voisin de Walroek, Janes, fils de fermiers sans histoire, pressent qu'il a une destinée à accomplir. Il veut être le premier à percer le secret du château de Nartchreck et à découvrir le trésor qu'il renferme Mais lorsqu'une horde barbare dirigée par Asraan, un démon ailé, s'abat sur Walroek, Janes voit sa famille périr et tout son univers s'effondrer. Dès lors, la soif d'aventure va s'effacer au profit d'un inextinguible désir de vengeance.
Pour son nouveau roman, Fabrice Colin a choisi un univers et une intrigue très classiques. Inspirés de la mythologie scandinave, ses dieux se sont retirés des affaires humaines et vivent isolés à Asgard. Mais leur influence, ainsi que le poids des affrontements passés les ayant opposés aux humains, demeurent très forts. Le roman suit la quête de Janes, à la recherche de ses origines et de sa vraie nature. Classique, certes, mais fort bien mené, et réservant quelques surprises plus qu'agréables, comme cette comédie musicale désopilante improvisée dans les cuisines du château d'Asraan. Et si le romancier ne parvient pas toujours à se départir d'une certaine emphase, dans ses descriptions comme dans ses dialogues, reconnaissons qu'il fait montre dans l'ensemble d'une sobriété dont nombre de ses confrères et sœurs feraient bien de s'inspirer.
Si le terme n'était pas connoté aussi péjorativement, on classerait ce roman — qui n'est que la première partie d'une trilogie — parmi les œuvres d'heroic fantasy. Contournons le problème en parlant de fantasy épique. Le Fils des Ténèbres n'est sans doute pas un chef-d'œuvre, peut-être pas même le meilleur roman de son auteur, mais il s'agit d'un livre extrêmement bien maîtrisé, sans temps mort, offrant en outre certaines scènes réellement enthousiasmantes. Confirmation donc que Fabrice Colin est l'un des tout meilleurs romanciers de fantasy français.