Quelque part en quelque époque – ce n’est vraiment ni notre monde ni notre temps, mais presque. Une dizaine d’années plus tôt, le Nord a perdu la guerre contre le Sud et, par conséquent, le territoire d’Inari. Vaste zone dépeuplée où passe un fleuve, Inari consiste en une zone tampon dont le Sud ne sait trop que faire et dont le Nord n’a pas été malheureux de se débarrasser. Inari ne connaît que deux saisons : l’été et la pluie. Sur les berges du fleuve se dresse un fort : quand l’officier Selen disparaît de son poste, le lieutenant Quernand est envoyé pour prendre sa place, poursuivre les travaux de son prédécesseur et mener l’enquête sur sa volatilisation. Bien vite, le militaire se laisse absorber par la langueur émolliente qui règne en ces lieux. Se surprend à apprécier la paresse, à ressentir quelque vague désir pour la domestique rustaude, à tout oublier de sa fonction…
Novella liée à une poignée de nouvelles parues dans Le Novelliste et Le Visage vert, Le Fort peut se lire de manière indépendante. L’ambiance languide qui se dégage de ses pages rappellera immanquablement d’autres récits où des membres des forces armées se dissolvent dans l’inaction : Le Désert des tartares de Dino Buzzati, Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq, voire Les Soldats de la mer d’Yves et Ada Rémy ou les textes de Jacques Abeille ressortissant au « cycle des Contrées ». Les amateurs de fantastique risquent cependant de rester sur leur faim : l’aspect imaginaire du Fort tient à la seule nature imprécise du cadre de l’action. Quoi qu’il en soit, la torpeur humide qui imprègne ce récit déteint immanquablement sur son lecteur.