N. Lee WOOD
FLAMMARION
390pp - 15,85 €
Critique parue en septembre 2000 dans Bifrost n° 19
Futur proche. La narratrice de ce roman, Kahlili bint Munadi Soliman, américaine d'origine arabe, est une journaliste spécialiste du Moyen-Orient, qui eut son heure de gloire lors de la guerre du Khuruchabja. Kay dicte à présent le texte des potiches qui apparaissent aux informations télévisées. Bien que se sachant moche, elle n'apprécie pas le contact ni la compagnie du séduisant John Halton qui lui est pourtant tout dévoué. Et pour cause : John Halton est un fabriqué ; son ADN a été recombiné par le génie génétique. Plus performant, plus puissant, il n'est qu'un androïde de la série John Halton, obéissant servilement à son propriétaire.
Les services secrets demandent à Kay de livrer Halton au jeune dirigeant du Khuruchabja qui a besoin d'un garde du corps pour se préserver de ses opposants. La journaliste ignore cependant que tous deux sont les instruments d'un complot politico-religieux particulièrement machiavélique.
L'intrigue, complexe, fait intervenir de multiples personnages qui, comme dans tous les récits d'espionnage, jouent double voire triple jeu. Nathalie Lee Wood se sort admirablement bien des pièges de cet exercice : elle connaît son sujet sur le bout des doigts et ne craint pas d'exposer ses virulents partis pris politiques. L'avenir qu'elle campe n'est pas joyeux. Mais l'analyse qu'elle en fait est intelligente sans jamais se départir d'une causticité et d'un humour décapants.
Car l'intelligence du propos ne le cède en rien à la qualité de l'écriture. Le ton est alerte, vivant. Wood a de l'esprit et du style, un sens de la narration achevé. La psychologie de son personnage est riche et fouillée, son évolution finement maîtrisée. Autant dire que pour un premier roman, c'est un coup de maître. Nathalie Lee Wood a d'emblée un ton bien à elle. Son roman dégage une énergie surprenante, même s'il cède parfois au pessimisme devant tant de problèmes imbriqués. On sera plus réservé sur le final, happy end politique peu crédible, auquel on préférera la conclusion ultime concernant le destin du couple Kay/Halton : sensible et romantique, sa dimension humaine ne laisse pas indifférent.
Précisons, pour l'anecdote, que Nathalie Lee Wood, qu'on a pu rencontrer du temps de son séjour en France, avant qu'elle ne s'établisse en Angleterre, ne dédaigne pas non plus les clins d'œil, à l'adresse de Roland C. Wagner par exemple, puisque le souverain du Khuruchabja arbore un « tee shirt décoré d'une photo du chanteur du groupe de rock français bien connu Brain Damage, un type à l'air passablement dérangé ».