Certains auteurs deviennent aussi légendaires que leurs œuvres. Hélas, cela peut aussi leur porter tort, car le mythe véhicule souvent des contrevérités ou des faux sens. Dans nos domaines, on a vu ce phénomène à l’œuvre pour Lovecraft, et dans une moindre mesure pour Dick. Il joue à plein sur Robert E. Howard, le créateur de Conan le Barbare, du fait notamment de Lyon Sprague de Camp, qui a donné des versions arrangées de certains récits et commis une biographie dont on a fini par découvrir qu’elle l’était aussi.
De vrais passionnés et spécialistes ont depuis des années entrepris de rétablir la vérité sur le plan des textes comme sur celui des faits. Patrice Louinet est des leurs ; il élabore peu à peu chez Bragelonne une belle bibliothèque howardienne comptant à ce jour une douzaine de titres. On pouvait donc espérer de sa plume un essai sur Howard qui ferait le tour de la question, et ce livre au format poche, plutôt fourni, dépasse encore les attentes.
Après une introduction qui vaut déclaration d’intention et mode d’emploi, le guide proprement dit commence par examiner – et dissiper – dix idées reçues sur Howard, y compris sur les plans du sexe et de la politique. Salutaire, voire jouissif. Le plus long chapitre du livre suit, qui détaille les vingt nouvelles qu’il faut avoir lues, avant une biographie succincte mais complète qui fait le tour de la question en trente pages. Ensuite, Louinet évoque d’autres textes, reprend le format de son premier chapitre pour rendre à Conan ce qui lui revient, aborde divers aspects de la carrière de l’écrivain, dont sa relation aux pulps et surtout à Weird Tales, traite les déclinaisons dans les autres médias – une phrase choc : « Il n’existe à ce jour aucune adaptation d’un texte de Howard au cinéma » –, règle une bonne fois pour toutes son compte au travail du couple de Camp, les « biographes » originels, rend hommage à Glenn Lord, « Gardien de l’idole », donne des extraits de la correspondance Lovecraft/Howard, passe en revue les publications les plus intéressantes sur le Texan… et j’en oublie.
Si Howard – ou Conan, mais il serait vraiment dommage de se limiter à cet aspect de son travail – vous intrigue un tant soit peu, ce manuel vous apportera les réponses et, surtout, vous indiquera de nouvelles pistes fructueuses. Plaisant et rigoureux, ludique et vigoureux, voilà un modèle d’érudition et d’intelligence.