Derek Künsken, dans cette suite directe du Magicien quantique (cf. notre 99e livraison), poursuit les aventures de Belisarius Arjona. Après un casse du siècle dont la construction ne manquait pas d’évoquer le Ocean’s Eleven de Steven Soderbergh, l’auteur s’intéresse désormais aux retombées de cette arnaque à grande échelle pour les différents partis concernés. Le lecteur aura plaisir à retrouver ici les personnages marquants du précédent volume. Ainsi Cassandra, Saint Matthieu et Stills sont de nouveau de la partie, de même que des figures importantes de l’Union subsaharienne et de la Congrégation.
Si l’auteur s’efforce de restituer l’essentiel du premier roman dès le départ afin de remettre rapidement ses lecteurs à la page, il est malgré tout préférable de commencer par le premier tome pour saisir correctement les tenants et aboutissants, ainsi que l’évolution de dynamiques importantes installées en amont.
Le récit débute quelques semaines après le vol du portail temporel par Belisarius et Cassandra, les premiers à mesurer les conséquences de leur participation à la rébellion de l’Union : la Mansarde, unique foyer des homo quantus, est détruite par la Congrégation qui voit en eux une menace. Le portail, qu’ils sont les seuls à savoir utiliser, apparait alors vite comme l’unique solution pour éviter le drame et dénicher un nouveau lieu de vie pour leurs pairs inconnus du reste de la civilisation. Un plan qui tient la route, à ceci près qu’il nécessite la coopération de ceux à qui ils viennent de dérober ledit portail…
Là où l’on aurait pu craindre un imbroglio fastidieux – les voyages temporels comportent un risque structurel dans lequel beaucoup se sont pris les pieds –, Derek Künsken parvient à conduire son lecteur au travers de notions relativement complexes sans le perdre en route, ce qui n’était pas une mince affaire. Le plus bel apport de ce nouveau roman est sans aucun doute le développement de protagonistes largement sous-exploités dans le précédent : d’une part et avant tout celui d’Ayen Iekanjika, par le truchement de laquelle l’auteur en dit davantage sur le passé de l’Union subsaharienne ; mais aussi celui de l’Épouvantail. Il s’agit donc plus d’approfondissement que de réelle nouveauté, ce qui donne un relief des plus satisfaisants à cet univers, révélant au lecteur la nature d’éléments déjà mentionnés mais dont on ne lui avait encore rien dit. Du reste, on sent Derek Künsken plus l’aise dans la description des concepts de mécanique quantique que dans celle des émotions partagées par ses personnages, écueil qui ne saurait altérer le plaisir de lecture qu’il nous offre par ailleurs. L’aventure est à poursuivre, donc — ou à commencer si vous ne l’avez pas encore découverte.