Il va en falloir du courage pour demander haut et fort ce titre chez son libraire, même si celui-ci est spécialisé dans l’Imaginaire. Mais Le Jour où l’humanité a niqué la fantasy annonce clairement la couleur. Avec Karim Berrouka, ça passe ou ça casse. Soit le lecteur est prêt à se laisser porter par ses idées foisonnantes, ses envolées politico-humoristico-verbales et son scénario partant dans tous les sens. Soit il est déconcerté, perdu, voire affligé, et file se réfugier dans les pages plus balisées d’un roman de hard SF ou de high fantasy. Pour compliquer le tout, Karim Berrouka franchit allègrement le quatrième mur en multipliant les clins d’œil au microcosme de l’Imaginaire francophone (dont une malheureuse bibliothèque Léo Henry), et va jusqu’à intégrer deux autrices, un auteur et un éditeur bien vivants dans son histoire.
De quoi s’agit-il ? Tout simplement de rétablir la vérité concernant les créatures de l’autre côté. En effet, suite à un malencontreux incident lors d’un festival punk au fin fond de la campagne, tous les portails entre réalité et imaginaire se retrouvent fermés, et les écrivains commencent à raconter n’importe quoi sous prétexte de fantasy. Une opération militaire est montée pour rétablir la vérité, avec en première escouade une fratrie de lutins d’un mètre quatre-vingt. De péripéties loufoques en quiproquos, les différents personnages du livre vont se rejoindre, et il faudra l’intervention d’une keupon passablement énervée par trente ans passés dans les brumes pour tout faire rentrer dans l’ordre.
Si vous accrochez au style de l’auteur, Le Jour où l’humanité a niqué la fantasy est un excellent cru qui fera travailler vos abdominaux à coup de barres de rire face à certaines situations ou trouvailles linguistiques. En revanche, ce foisonnement textuel est aussi son principal défaut. L’auteur semble avoir oublié le fil de son histoire en cours de route. S’il retombe sur ses pieds in fine, il reste des trous scénaristiques comblés par la voirie municipale un jour de grève qui laissent une tenace impression d’inachevé. Le lecteur serait-il aussi victime d’un enchantement ?