Richard COMBALLOT, Jacques BARBÉRI, Henry-Luc PLANCHAT, Emmanuel JOUANNE, Christiane MÉLANÇON
LA VOLTE
384pp - 18,00 €
Critique parue en juillet 2011 dans Bifrost n° 63
Luxueusement réédité (ou simplement éditée) à La Volte, l’œuvre de Jacques Barbéri trouve enfin l’écrin qu’elle méritait. Compagnon de route de la SF depuis un bon paquet d’années, Barbéri propose des textes drôles, ambigus, parfois expérimentaux, bizarres et d’une rare modernité. Avec Le Landau du rat (on peut y voir un clin d’œil au Berceau du Chat, de Vonnegut), il nous offre vingt-neuf nouvelles rassemblées par Richard Comballot, anciennes ou pas, toutes délirantes et marquées par son style inimitable. Les convaincus ne manqueront pas de s’y précipiter, et les plus sceptiques peuvent se tourner vers la quatrième de couverture pour avoir un bon aperçu de ce qui les attend. Hommes-bouteilles, héros récurrents, folie intérieure, insectes géants, cités moites et obscures, technologies organiques, monstres, fluides, sang, homoncules et œufs, autant de délires très sérieux à faire pâlir les mondes les plus baroques d’un China Miéville. Mais Barbéri est un orfèvre et ne se permet jamais de livrer un récit à la construction branlante. Ici, tout se tient, tout est logique (une logique déviante, certes, mais logique tout de même) et tout s’enchaîne avec une remarquable fluidité. La grande force du Landau du rat, c’est d’être à la fois accessible à tous et de combler les plus exigeants. On y retrouve l’éventail des passions humaines, les extraterrestres en plus. Il s’agit indéniablement d’une sorte de SF humaniste et généreuse, où le souci littéraire au sens strict du terme place la barre très haut. Rien d’étonnant à ce que Barbéri ait fait partie du groupe Limite. A ce titre, la lecture du Landau du rat est non seulement recommandable, mais exemplaire. On y retrouve la plupart des obsessions de cette bande de fous furieux, on y côtoie l’ombre d’Emmanuel Jouanne, on y décèle des accents à la Berthelot, bref, on sent que l’œuvre de Barbéri est à la fois moteur et réceptacle. De quoi s’y plonger avec délice, d’autant que ces vingt-neuf textes n’ont pas vieilli (pour les plus anciens) et que leur drôlerie n’a d’égale que leur inventivité. En trois cent cinquante pages, le lecteur s’en prend plein les yeux et ressort un peu sonné de l’expérience. Sonné, mais ravi. On cite souvent Ballard et Dick pour qualifier Barbéri, le Landau du rat s’impose d’entrée de jeu comme essentiellement barbérien. Et c’est tant mieux. Même si on regrette de ne pas y trouver la véritable recette du scotch-benzédrine. Au prochain recueil, peut-être ?