M.R. CAREY
L'ATALANTE
416pp - 24,50 €
Critique parue en janvier 2022 dans Bifrost n° 105
Engleterre, deux siècles après la Guerre Inachevée. Koli Woodsmith, quinze ans, ne rêve que d’une chose : devenir un Rempart. La classe dirigeante de Mythen-Croyd, qui protège le village des dangers extérieurs, fait rêver ce garçon dont la mère détient une simple scierie. Pour cela, rien de compliqué, il lui suffit de réveiller un « tech » lors de l’épreuve du Compte-Seille. Mais ces vieux « techs » d’un autre temps sont bien capricieux et ne répondent qu’à quelques individus étrangement issus d’une seule famille : les Vennastin. Koli échoue à l’épreuve, contrairement à son meilleur ami Haijon, fils d’un Rempart, qui décide par la même occasion d’épouser Toupie – la jeune fille dont Koli est amoureux. Frustré, Koli vole des techs aux Remparts dans l’espoir vain d’en faire fonctionner un et… un beau jour, le petit boîtier contenant une IA fort indisciplinée, Monono, se met à lui parler. Il faut peu de temps aux Vennastin pour démasquer Koli. Le voilà devenu Anonyme et banni de son village, avec pour seul bagage un baluchon. Que va-t-il croiser ? Des croche-queues et des étouffiers, des arbres dont il faut se méfier, et aussi des bannis cannibales vouant un culte messianique à un fou qui aime brûler des jeunes gens…
On connait principalement M. R. Carey pour son best-seller Celle qui a tous les dons – page turner intelligent et original chroniqué dans les numéros 78 et 91 de votre revue préférée –, mais qu’en est-il de ce premier tome de la trilogie « Rempart » ? Les lentes cent premières pages ne plaident pas en sa faveur, mais elles ont le mérite d’habituer aux subtiles évolutions de la langue et de planter le décor, une Angleterre post-apocalyptique où l’humain vit à la merci d’une nature qui s’est retournée contre lui, le contraignant à l’enfermement pour échapper à la mort. Car finalement, plus qu’un récit initiatique, Le Livre de Koli est un roman survivaliste. Les quelques âmes de Mythen-Croyd se cachent derrière de hautes palissades, vivent en autarcie, isolées du monde : comment survivre à l’inévitable consanguinité et à l’extinction de population qui pourrait en découler ? Ursula, femme médecin, va d’une communauté à une autre pour déterminer si tel ou tel mariage serait néfaste ou non pour la population. C’est par son enseignement que Koli, petit à petit, ouvrira les yeux et deviendra un personnage plus complexe qu’il n’y parait, capricieux et égoïste mais conscient que la survie de l’humanité ne peut passer que par le métissage. Un Tom Sawyer tout en nuance qui livre ses mémoires et nous fait part de ses réflexions et de ses projets : permettre à l’homme de vivre autrement et plus longtemps. Le Livre de Koli se lit au même rythme que l’intrigue, lentement, Carey fait le job sans se fouler et, au bout du compte, on regrette surtout que le livre se termine là où on aurait aimé qu’il commence.